Le Musée Fabre rend un hommage appuyé à un peintre oublié, figure artistique de l’entre-deux-guerres éclipsée par son travail de décorateur. Pourtant, ses toiles présentent une remarquable unité stylistique que détaille l’exposition.
MONTPELLIER - Jean Hugo, né en 1894 et arrière petit-fils de Victor, s’inscrit sans démériter dans le lignage d’une famille d’artistes. Mais l’ombre portée de l’arrière-grand-père explique sans doute une modestie qui surprenait tant ses contemporains, et en particulier Picasso qui l’exhorta à poursuivre son travail.
Jean Hugo a commencé à peindre et à dessiner pendant la drôle de guerre, mais c’est après son mariage avec Valentine Gross qu’il fréquente les artistes d’avant-garde. Il rencontre alors l’intelligentsia artistique des "années folles" : Picasso, mais aussi Cocteau, Milhaud, Poulenc. Très vite, il devient un décorateur de théâtre de renom et un illustrateur recherché, alors que son œuvre n’est pas véritablement connue. C’est ce "célèbre méconnu", selon la jolie formule de Maurice Sachs, que la rétrospective de Montpellier entend réhabiliter par une exposition didactique et chronologique.
Cent cinquante-deux pièces, présentées dans l’élégant Pavillon du Musée Fabre, retracent la longue carrière de l’artiste, mort en 1984, depuis ses premiers croquis jusqu’aux toiles de la maturité. Autodidacte élevé dans un milieu intellectuel, il a d’emblée choisi la modernité cubiste, sans rien concéder à la pâte sensuelle des impressionnistes. Son vocabulaire artistique établi dès sa jeunesse, tout son parcours est d’une étonnante cohérence. Attentif à la forme, pratiquant l’aplat de couleur et la juxtaposition cézanienne des plans, il réinvente un réel rigoureusement composé, aux formes douces et aux couleurs mates.
C’est ce lexique qu’il va utiliser jusqu’à la fin de sa vie, le faisant évoluer progressivement vers plus de rigueur encore, et lui adjoignant des couleurs, plus franches, plus gaies aussi, passant de la gouache à l’huile, du papier à la toile autour des années quarante.
Parcours serein dans un siècle fertile en ruptures tant esthétiques que politiques, Jean Hugo professe l’oubli des horreurs d’une guerre où il a été lui-même blessé. C’est peut-être ce qui aujourd’hui donne à ses gouaches sur papier, plus encore qu’à ses toiles, ce goût suranné. Ce bonheur de vivre et de peindre sonne de manière presque incongrue de la part d’un homme qui a délibérément ignoré le chaos du monde.
Grâce à l’aménagement il y a deux ans des 900 m2 du Pavillon Populaire – lieu désormais réservé aux expositons temporaires –, le Musée Fabre a gagné en surface. 220 œuvres ont été exhumées des réserves, et l’ensemble de l’accrochage a été entièrement repensé. La magnifique salle des colonnes, qui bénéficie d’un éclairage zénithal, accueille désormais la peinture XVI-XVIIe européenne. Poussin fait face à Carrache, et Vouet au Dominiquin, dans un parcours qui retrace élégamment l’extraordinaire vitalité cet âge d’or.
La présentation des toiles du XIXe a, elle aussi, été réorganisée et complétée : 110 peintures nouvelles forment un riche parcours du Romantisme à l’Impressionnisme. Un effort qui a permis de doubler la fréquentation du musée en un an. Le déménagement de la bibliothèque devrait prolonger cette opération d’agrandissement interne, en attendant que la mairie puisse convaincre l’État d’entreprendre une véritable réhabilitation du musée. Un projet d’envergure, soutenu par Michel Hilaire, le conservateur, qui remarque que "seuls les musées de la moitié nord de la France ont été réhabilités. II est temps de penser à Bordeaux, Aix, Toulouse, et bien sûr Montpellier !".
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Jean Hugo, la traversée sereine du siècle
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Abonnez-vous dès 1 €JEAN HUGO, Pavillon du Musée Fabre, Montpellier, jusqu’au 24 septembre, du mardi au dimanche de 10h à 19h. Entrée 25 F, catalogue 220 F, éd. RMN/Actes Sud.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : Jean Hugo, la traversée sereine du siècle