GENTILLY
La Maison de la photographie Robert Doisneau répare ce que les Rencontres d’Arles ont fait en 2018 avec la série Pigalle People de Jane Evelyn Atwood.
En plaçant cette dernière en regard du travail de Joan Colom (1921-2017) sur les prostituées de Barcelone, le choix des Rencontres pouvait laisser suggérer, au-delà du dialogue recherché entre les deux photographes, que l’œuvre de la photographe sur le sujet ne méritait pas à lui seul un focus. Le choix de Michaël Houlette d’associer à Gentilly cette série réalisée en 1978-1979 au premier reportage sur les prostituées, intitulé Rue des Lombards, répare donc cette erreur et éclaire la démarche et le talent de la photographe à être au plus près de son sujet. Elle a 30 ans quand elle rencontre Blondine, qui se prostitue au 19, rue des Lombards. Elle vient juste d’acquérir son premier appareil photo et entame son premier récit. Sa manière d’être et de regarder la voit au plus près de ce qui se vit sur le trottoir, le couloir de l’hôtel et des chambres ; l’amitié avec Blondine la conduit à poursuivre ce travail sur les trans et la prostitution à Pigalle. D’autres visages et silhouettes, ceux d’Ingrid et de Barbara en particulier, deviennent des présences familières. À chaque travail, son étage et son lot de vintages tirés par Jane Evelyn Atwood. Le propos s’écrit invariablement en noir et blanc, projette dans les intimités des existences de chacun et dans les particularités d’alors de ces quartiers. L’oeil, déjà, est assuré, libre, direct, rapide à capter la situation à rendre palpable l’état d’âme. Les textes de la photographe racontent rétrospectivement les liens tissés. Ils portent la même franchise et la même délicatesse.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°721 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Jane Evelyn Atwood, la délicatesse d’un regard