Art moderne

Jacques Villon, la peinture, un absolu

Par M Du Bouchet · L'ŒIL

Le 1 novembre 2004 - 399 mots

C’est toute la force d’une œuvre trop rarement montrée qui saisit l’œil et la raison dans cette belle rétrospective que la galerie Schmit consacre au peintre Jacques Villon de son vrai nom, Gaston Duchamp. Dessins, gravures et peinture révèlent le propos unique d’une œuvre qui s’est poursuivie durant toute une vie dans le secret d’un atelier. L’artiste attendra l’âge de soixante-neuf ans pour connaître la gloire en 1944, lorsqu’il se lie d’amitié avec le marchand de tableau Louis Carré. Le peintre vit alors à Puteaux depuis 1906 jusqu’à sa mort en 1963, à l’écart de l’ébullition parisienne et plus particulièrement de la vie artistique de Montmartre. Il reçoit régulièrement chez lui parmi ses frères Marcel Duchamp et le sculpteur Raymond Duchamp-Villon, les peintres Gleizes, Léger, Gris, Lhote, Metzinger, Kupka, Picabia avec qui il fonde en 1912 le groupe de la Section d’or après avoir adhéré aux théories du cubisme. Mais contrairement au cubisme qui cherche à se libérer de certains principes issus de la Renaissance, la Section d’or cherche à réinventer un espace en explorant toutes les possibilités de la perspective. L’espace est pyramidal, divisé en autant de tracés régulateurs partant du centre jusqu’aux extrémités de la toile. Le tableau doit avant tout être raisonné, construit méthodiquement, le sujet se fond dans la structure et le rythme de la composition ce qui lui permet de passer sans rupture du figuratif à l’abstraction. Mais aussi rationnel et scientifique soit l’acte de peindre, « j’ai besoin d’avoir des problèmes à résoudre », disait-il. Villon parvient singulièrement à travers un trait à la fois incisif et incertain à rendre pleinement le sentiment tendu de la vie. La couleur, elle, posée par aplats, ne préoccupant le peintre qu’à partir des années 1920, cherche à devenir lumière en irradiant l’espace. Le tableau n’est plus une fenêtre ouverte mais « un absolu », « une chose en soi » : la colonne vertébrale de la vie devient clef de voûte du tableau. En 1908, le peintre découvre ce qu’il appelle la « ligne d’intention », cette ligne intérieure du mouvement qui crée une tension vitale entre le spectateur et la toile. Élan suspendu dans un réseau de perspectives, vie qui retient son souffle prête à éclore à nouveau pour l’œil du XXIe siècle.

« Jacques Villon, peintre dessinateur », galerie Schmit, PARIS, 396 rue Saint-Honoré, Ier, tel. 01 42 60 36 36, jusqu’au 28 novembre.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°563 du 1 novembre 2004, avec le titre suivant : Jacques Villon, la peinture, un absolu

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