« Vivantes ! », c’est le titre choisi par le Frac Méca pour sa saison sur le thème de « La représentation des femmes dans l’art et son histoire ».
Et c’est dans ce cadre que la directrice du Frac, Claire Jacquet, a mis en relation la photographe Agnès Geoffray avec l’administrateur du château de Cadillac voisin, Olivier Du Payrat. L’ancienne demeure du duc d’Épernon, mignon des rois, fut transformée en prison pour femmes en 1818, puis, de 1905 à 1952, en « école de préservation pour jeunes filles » : un bien joli nom pour masquer un lieu de privation des libertés et de la dignité. Ce dernier épisode de l’histoire du monument, connu mais peu documenté, a ému Agnès Geoffray, qui s’est plongée dans les archives départementales de la Gironde pour exhumer l’histoire de cette « école » entourée de douves. Les documents (avis de signalement, rapports individuels, lettres …) lui ont ainsi permis de reconstituer l’itinéraire de quelques « mauvaises filles » : Georgette, dont « le vagabondage [était] une seconde nature », mais aussi Marcelle et Renée. Condamnée jusqu’à sa majorité pour vol, cette dernière ingéra une épingle afin d’être envoyée à l’hôpital à Bordeaux, d’où, « redoutant sa réintégration prochaine à l’école », elle fugua. Rattrapée par la police, elle écrit quelques jours plus tard au directeur de l’école, qui avait appelé à la « surveiller très étroitement au point de vue des mœurs », une lettre pleine d’ironie dans laquelle elle le remercie de l’avoir fait envoyer dans une autre prison que la sienne et plaint ses enfants. « Cela ne vous emportera pas au paradis !!!!! », finit la lettre. Agnès Geoffray a fait imprimer ces documents sur des morceaux de tissus de soie qu’elle relie naturellement avec des épingles. La soie rappelle les travaux forcés auxquelles les « pupilles » étaient contraintes : la couture, la broderie, la ganterie, etc. Dans l’une des cellules froides qui servaient de chambres aux « écolières », l’artiste projette parallèlement une série de photographies mettant en scène des étudiantes de l’école d’art de Bordeaux posant dans des corps contraints… Entre chaque image, des citations extraites des archives et de textes de Sylvia Plath, Michelle Perrot, etc. Et ces adjectifs qui reviennent, insupportables : « perverse », « vulgaire », « menteuse », « capricieuse »…
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Itinéraires d’enfants maltraitées
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°753 du 1 avril 2022, avec le titre suivant : Itinéraires d’enfants maltraitées