La singulière virtuosité des créateurs coréens actuels est à découvrir au Musée des arts décoratifs, au sein d’un vaste panorama couvrant les champs de l’artisanat, du design, du graphisme et de la mode.
PARIS - Forte agitation hexagonale pour accueillir le pays du Matin-Calme… Parmi les événements et sa multitude d’expositions qui ponctuent l’« Année France-Corée 2015-2016 », lancée en grande pompe le 18 septembre à Paris, figure, au Musée des arts décoratifs, « Korea Now ! ». Cette vaste présentation couvre, en trois temps, quatre champs majeurs de la création actuelle : l’artisanat et le design, le graphisme, la mode. La quasi-intégralité des espaces temporaires ont été réquisitionnés, afin d’y loger les quelque 700 pièces conçues par 150 artistes. Un panorama qui, hormis le graphisme, fonctionne sur le même principe : quelques pièces historiques confrontées à un grand nombre de productions contemporaines.
Les créateurs coréens ont des arguments pour émouvoir. Dans la section « Design/Artisanat », déployée dans la grande nef et ses bas-côtés, sont dévoilées en guise de préambule plusieurs techniques ancestrales : la laque Ott-chil, la nacre Najeon, le papier Hanji…, lesquelles sont aujourd’hui réinterprétées dans des formes contemporaines. Lee Jeong-Mee use de ladite laque pour réaliser deux coupes massives et géométriques, l’une rouge l’autre blanche, inspirées de la porcelaine blanche de la période Joseon (1392-1897). De son côté, Lee Young-soon tresse à l’aide de papier imprimé des paniers inspirés des traditionnelles « jarres à crevettes saumurées » en terre cuite. Le métal fait l’objet d’une attention nouvelle dans ce service de table en cuivre et étain Bareum Set, dessiné par Gio Ki-sang, aux lignes sobres et élégantes. Tandis que la céramique est présente à profusion. Les vases Goutte d’eau de Lee Ga-Jin arborent toute la profondeur de la couverte céladon, cette couche d’émail très épaisse, et les plats Feuille d’iris de Lee Eun-bum sont gravées de délicates rayures. La fragilité et la virtuosité se lisent aussi dans les belles coupes Pissenlit de Ko Hye-jeong, myriades de fleurs de dent-de-lion en argent accolées les unes aux autres, et dans les splendides boîtes Samhapsojuk de Seo Sin-jeong, une artiste qui possèderait sa propre bambouseraie.
Le visiteur ne doit pas manquer les couvertures de lit en coton et soie de Lee Seul-gi, belles comme des tableaux abstraits, qui illustrent de manière subtile, en noir et blanc ou en couleurs, des dictons coréens comme « Être écrasé par une paire de ciseaux », ce qui signifie « Faire un cauchemar », ou « Même devant un paysage beau comme le mont Diamant, si on a le ventre creux, on ne voit rien », autrement dit, « On ne peut apprécier la beauté lorsqu’on a faim ».
Outre les objets, sont présentés moult meubles, dont l’étonnant banc Méditation de Bae Se-hwa, en chêne courbé à la vapeur, et les sièges en résine Haze de Park Won-min, version pastel et translucide du mobilier de Gerrit Rietveld.
Un jupon à 7 épaisseurs
Au Musée de la mode, les stylistes prennent la relève dans une scénographie qui met en avant les vêtements à travers cinq couleurs : rouge, jaune, noir, bleu et blanc. Y sont déployés des costumes traditionnels, les hanbok, placés en regard de versions conçues par des créateurs contemporains, mais aussi une large variété de productions actuelles. On remarque cette surprenante robe de Lie Sang-bong, couverte de feuillets d’organza coupés à cru, et celle de Lee Hye-soon, ou ce Jupon à sept épaisseurs, sans oublier deux merveilleuses installations en soie de Suh Young-hee.
Un étage plus haut est présentée la création graphique contemporaine, née au mitan des années 1980 seulement, sous l’impulsion notamment de Ahn Sang-soo, considéré comme le chef de file de la nouvelle génération de graphistes – on peut voir, dans l’exposition, un entretien filmé très éclairant sur sa méthode. L’homme réalise un travail récurrent sur l’alphabet coréen hangul, aux caractères très géométriques, qu’il marie à des photographies en noir et blanc pour générer une série d’affiches à l’impact fort. Cette jeune génération a toutes les qualités pour creuser le sillon. Ainsi en est-il des duos Sulki & Min (affiche « Festival Bo : m »), Jin & Park (affiche « Interview & Artists as An Interviewer »), de Park Yeoun-joo (affiche « Mr. Kim & Mr Lee ») ou de Park Kum-jun et ses séduisants livres d’artiste. Certaines créations, plutôt politisées, augurent non pas d’un « matin calme », mais plutôt d’un « grand soir » du graphisme, et c’est bon signe !
Commissaires de l’exposition : Karine Lacquemant et Rheem Mi-sun (Design/Craft) ; Éric Pujalet-Plaà et Suh Young-hee (Mode) ; Amélie Gastaut et Choi bum (Graphisme)
Scénographie : Jang Soon-gak (Design/Craft et Graphisme) ; Lim Tae-hee (Mode)
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Inventaire de la production coréenne
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 3 janvier 2016, Les Arts décoratifs, 107, rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 01 44 55 57 50, tlj sauf lundi, 11h-18h, jeudi jusqu’à 21h, entrée 11€. Catalogue, 248 p., 45 €.
Légende photo
Gio Ki-sang et Kim Soo-young, Service Bareum, 2015. © Gio Ki-sang et Kim Soo-young.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°443 du 16 octobre 2015, avec le titre suivant : Inventaire de la production coréenne