Née en 1969, Inka Essenhigh a étudié au Columbus College of Arts and Design (Ohio) et à la School of Visual Arts (New York). Elle expose ce mois-ci à la Mary Boone Gallery, à New York.
Comment construisez-vous vos peintures ?
Je commence avec une couleur de base simple, que je ponce pour lui donner un peu de piment, puis je dessine avec mon pinceau et de la peinture émaillée. Ma peinture elle-même ressemble à du plastique, à quelque chose d’artificiel, c’est une simple laque de panneaux de signalisation. Mais je travaille sur une toile traditionnelle. J’ai essayé l’aluminium mais un support aussi dur ne pardonne aucune erreur ; la toile cache davantage, elle est plus généreuse. J’utilise maintenant des châssis en aluminium montés sur de la mousse, mais quand j’ai commencé à peindre, je n’avais pas assez d’argent.
Elles sont aussi très graphiques.
Je suis certainement plus du côté de Poussin que de Rubens. Je suis très sensible à la qualité graphique, à ces peintres du début de la Renaissance dans la tradition des fresques. C’est ce qui me fait vibrer. Je veux obtenir cette qualité dans le dessin. Quand je me suis débarrassée de la peinture à l’huile, je me suis intéressée à une seule chose : la ligne. La ligne est ce que je peux offrir de meilleur sur le plan artistique, même quand je ne fais aucun dessin préparatoire.
Beaucoup de jeunes artistes commencent par une attitude ironique vis-à-vis de la peinture traditionnelle mais reviennent au bout d’un certain temps au simple désir d’être de bons peintres.
J’ai toujours voulu être un bon peintre et je me demande si ces œuvres vont commencer à nouveau à tendre vers la peinture très classique. Je voudrais garder un certain côté provocateur. L’autre aspect de la position anti-art, c’est de créer une œuvre totale. D’une certaine façon, c’est plus radical de se consacrer à l’acte de peindre, mais sans se soucier de l’“art” comme d’une industrie qui accompagne l’acte de faire un tableau. Pendant mes études, la pire insulte qu’on pouvait m’adresser, c’était de me dire que j’étais illustratrice. Je suis venue à New York pour faire de l’expressionnisme abstrait, comme tout le monde, même en 1990. Cela résolvait un gros problème : en tant que réaliste, je n’avais pas de sujet. Lentement, peu à peu, le dessin et le trait sont apparus dans mon travail. Puis tout s’est fait du jour au lendemain, par une rupture radicale : un matin je suis entrée dans l’atelier et j’ai pris consciemment la décision de ne plus faire de barbouillage. J’ai fait un dessin et je l’ai rempli. Dès que j’ai adopté ce nouveau genre, j’ai su que c’était ça. J’ai jeté la plupart de mes peintures de style expressionniste abstrait. J’ai fait toute une série de dessins pour papiers peints pour enfants, et d’un seul coup, j’ai eu mon sujet. Trois ans durant, après la fin de mes études, j’ai fait de la peinture, très péniblement. Puis d’un seul coup, j’ai compris que je serais beaucoup plus heureuse si je pouvais me débarrasser de cette peinture stupide. Mais je ne voulais pas devenir un peintre chic, joli et bien léché, je n’avais pas encore l’idée de faire de grands tableaux.
Mais vos peintures ne sont pas figuratives.
Elles ont des thèmes, mais ils n’apparaissent pas en noir et blanc ou ne sont pas pensés à l’avance. Les décisions que je fais sur la toile sont purement formelles, il n’y a pas de centre narratif. L’aspect le plus kitsch de mon travail, ce sont ces thèmes généralisés comme les volcans ou les îles vierges de Polynésie ou les fille au Hula. Mais si je vous parlais par l’intermédiaire du dessin d’une de mes peintures, j’aurais l’air d’une enfant de trois ans : “ça, c’est le soleil, la terre vient d’exploser”. Cela serait aussi rationnel que l’histoire d’un dessin d’enfant.
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Inka Essenhigh : J’ai toujours voulu être un bon peintre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°108 du 30 juin 2000, avec le titre suivant : Inka Essenhigh : J’ai toujours voulu être un bon peintre