Art contemporain

Cologne (Allemagne)

Inclassable Noguchi

Museum Ludwig - Jusqu’au 31 juillet 2022

Par Alix Bancarel · L'ŒIL

Le 26 avril 2022 - 291 mots

Isamu Noguchi (1904-1988) n’est pas un designer. Et pour preuve, ses objets fonctionnels, telles sa lampe Akari et sa Coffee Table, certes devenues incontournables, se confondent à merveille avec ses sculptures à la géométrie purement esthétique.

La rétrospective du Musée de Cologne abolit enfin cette idée reçue sur un artiste inclassable grâce à une centaine d’œuvres qui révèlent la pluridisciplinarité d’un travail en perpétuel mouvement. Profondément marqué par son apprentissage dans l’atelier parisien de Brancusi, le jeune Américano-Japonais n’aura de cesse d’expérimenter divers matériaux (marbre, bois, bronze, aluminium, céramique…), afin d’exprimer ce qui unit l’homme à la Terre, matrice de son œuvre. Une sensibilité que s’attache à reproduire la scénographie, qui se veut à la fois minimaliste et pédagogique. Épurées, lisses et sensuelles, ses sculptures dégagent une puissante spiritualité qui trouve un écho particulier lors de ses voyages au Japon et en Chine. Les formes s’assemblent et s’emboîtent, semblent soudées comme les doigts de la main, symbolisant aussi bien la rencontre des corps que ses affinités avec les membres du surréalisme. Mais derrière un imaginaire faussement enfantin, se cache en réalité la conscience tragique d’un monde en train de vaciller. Levant le voile sur son engagement socio-politique, l’exposition présente des paysages chaotiques jonchés de cratères – réminiscence des atrocités causées par la bombe atomique. Apothéose du parcours, la dernière salle dévoile l’étendue spatiale de son œuvre en rassemblant tous les éléments cosmiques. Ainsi flotte dans les airs une constellation de formes, dont l’équilibre et la gravité empruntent volontiers aux univers de Miró et de Calder. Au cœur de ce microcosme, la fameuse lampe Akari acquiert alors tout son sens : solaire et légère. Une insoutenable légèreté. Finalement, par cette envolée surréelle, l’artiste nous fait quitter la Terre pour mieux la retrouver.

« Isamu Noguchi »,
Musée Ludwig, Heinrich-Böll-Platz, Cologne (Allemagne), www.museum-ludwig.de

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°754 du 1 mai 2022, avec le titre suivant : Inclassable Noguchi

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