Une exposition du Metropolitan Museum of Art applique pour la première fois cette approche à la peinture américaine de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Organisée en commun avec l’Amon Carter Museum de Fort Worth, l’exposition intitulée L’Impressionnisme et le réalisme en Amérique : la peinture de la vie moderne, 1885-1915 rend hommage, par son titre, à l’essai publié par Baudelaire en 1863 : Le Peintre de la vie moderne.
NEW YORK - "Notre propos est de considérer les impressionnistes et les réalistes américains comme un seul ensemble, tout comme Robert Herbert a considéré Manet et les impressionnistes de plein-air, plus "orthodoxes", comme un ensemble unique", explique le conservateur du Metropolitan Museum, Barbara Weinberg.
Alors que les réalistes (John Sloan, George Bellows, Robert Henri...) et leurs précurseurs impressionnistes (tels John Singer Sargent, William Meritt Chase, Mary Cassatt...) se considéraient comme des opposants idéologiques, et qu’ils ont été étudiés depuis en tant que tels, cette exposition cherche à "remettre les deux groupes en perspective, pour suggérer que les continuités entre eux sont plus importantes qu’on ne le perçoit généralement, et les contrastes plus subtils". "Il existe de multiples points de rencontre, mais je pense qu’il y a une continuité fondamentale plutôt qu’une dichotomie en noir et blanc", ajoute Barbara Weinberg.
Peinture et société
L’exposition, et le catalogue qui l’accompagne, présentent 86 tableaux ordonnés en trois sections thématiques : la campagne (à prédominance impressionniste), la ville (à prédominance réaliste) et la maison. Des juxtapositions éclairent certains points, comme la convergence stylistique des portraits grandeur nature de l’impressionniste Chase et du réaliste Henri ; ou la dette commune envers l’art français, illustrée par les Jardins du Luxembourg le soir de Sargent et Central Park en hiver de Glackens. Toutefois, l’effet est moins didactique qu’on ne pourrait le craindre. "Nous n’illustrons pas l’histoire des États-Unis, souligne Barbara Weinberg, mais nous utilisons plutôt une histoire pour aider à comprendre les plus grandes œuvres de ces deux groupes."
Barbara Weinberg et ses collaborateurs – Doreen Bolger, de l’Amon Carter Museum, et David Park Curry, du Virginia Museum of Fine Arts de Richmond –, ont étudié le contexte social des thèmes abordés dans la peinture, afin de mieux discerner "ce que les artistes en ont gardé et ce qu’ils en ont exclu". Pour aider le visiteur à se forger une opinion, une vidéo présente des films documentaires illustrant des scènes semblables à celles que représentent les tableaux. Les conservateurs en arrivent à la conclusion que les deux groupes ont accentué les aspects les plus durs de l’industrialisation et de la pauvreté, et qu’ils ont eu tendance à se fixer sur des sujets à connotation nationaliste, dans leur effort pour inventer un langage américain original.
En mêlant les témoignages de l’histoire sociale, de la littérature contemporaine et des photographies aux analyses de l’histoire de l’art, Barbara Weinberg et ses collaborateurs apportent effectivement des éléments d’interprétation qui interdisent désormais de considérer ces deux groupes comme thématiquement et stylistiquement unidimensionnels. C’était la vision que proposait jusqu’ici l’histoire de l’art, pour des raisons de clarté didactique.
New York, Metropolitan Museum of Art "American Impressionism and Realism : The Painting of Modern Life", 1885-1915 (jusqu’au 24 juillet), exposition complétée par une exposition de dessins, gravures et photographies tirés des collections, Amon Carter Museum, Fort Worth (21 août - 30 octobre), le Musée des arts de Denver (3 décembre 1994 - 5 février 1995), Musée des arts du comté de Los Angeles (12 mars - 14 mai 1995)
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Impressionnisme et réalisme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : Impressionnisme et réalisme