Des vingt-cinq années de peinture de Tal Coat, on ne connaissait généralement que les grands formats abstraits de la dernière période.
Le Musée Granet a choisi de présenter, parallèlement à l’exposition « Cézanne at Home », une rétrospective de l’artiste présent dans les collections depuis 1985, pour faire connaître au public son œuvre figurative, et lui permettre de mieux mesurer l’ampleur et l’évolution de son travail. Pari gagné haut la main. À travers cent quatre-vingts œuvres, dont beaucoup sont inédites, l’exposition déroule de manière séquentielle (une période par salle) l’œuvre de cet artiste qui ne se réclamait d’aucun groupe ni d’aucune école, mais paya le prix de sa liberté par diverses éclipses de gloire et d’oubli.
Tal Coat, de son vrai nom Pierre Jacob, a commencé à peindre dès l’âge de 15 ans. Durant les années où il vécut à Paris, il noue des relations très fortes avec d’autres artistes, notamment Giacometti, Masson, Stein, Picasso, qu’il portraiture en quelques traits de crayon ou coups de pinceau magistraux. Dans cette première période dite figurative, la couleur joue un rôle essentiel : le dessin s’y affirme d’un rouge vif sur le visage et sur les aplats de couleur (bleu, vert, rouge) qui se toisent sans se contrarier. Ces œuvres inédites que l’on découvre avec étonnement placent déjà la relation de l’ombre et la lumière. On peut parler d’expressionnisme de la couleur en observant ses portraits et ses nus des années 1934-1936 (La Folle, Nu aux bas rouges) ou ses Massacres.
En 1940, Tal Coat s’installe à Aix, puis au Château Noir jusqu’en 1956, période difficile mais cruciale où l’artiste affirme sa singularité : son travail évolue à la lumière du Pays d’Aix dont il parcourt les paysages, comme la carrière Bibémus ou le massif de la Sainte-Victoire, motifs qui inspirèrent Cézanne. Sa peinture devient plus elliptique, ses paysages se simplifient sous la lumière et jouent la transparence, la figure traverse la toile fugitive et dissoute, le trait devient hachures dynamiques et rythmées. Tal Coat dessine la vie en mouvement. La dernière période créatrice cristallise ce travail constant d’épurement par ce « presque rien » qui anime la toile : des grains épars, des accidents, des fissures, qui scandent la lumière. « J’ai dit “ciel” ? oui, mais quand j’ai dit “ciel”, je pense toujours “lumière”… »
« Tal Coat, la liberté farouche de peindre »,
Musée Granet, place Saint-Jean-de-Malte, Aix-en-Provence (13), www.museegranet-aixenprovence.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°709 du 1 février 2018, avec le titre suivant : Il était libre, Tal…