PARIS
Le Paysage au bois d'Amour dit aussi Le Talisman, de Paul Sérusier a beau être un « tableautin » de 21 sur 27 cm, il n’en a pas moins le statut d’icône de l’histoire de l’art.
Cette étude peinte en plein air peinte à l’automne 1888, non loin du village breton de Pont-Aven, ouvre l’exposition que lui consacre le Musée d’Orsay. Qu’y voit-on ? À l’avers : des couleurs « pures », peu mélangées entre elles, apposées sur une planchette de bois et évoquant un paysage. Au revers, une inscription : « Sous la direction de Gauguin ». Là réside son mythe d’origine. Gauguin aurait distillé, sur le motif, des conseils de peinture à Sérusier, en ces mots : « Comment voyez-vous cet arbre ? Il est bien vert. Mettez donc du vert, le plus beau vert. » Courte mais didactique, l’exposition retrace le destin de ce tableau, surnommé « Talisman » par la communauté d’artistes nabis, et devenu manifeste de leur nouvelle conception de la peinture, pure, autonome et, bientôt, abstraite. On y découvre « l’avant » Talisman : une scène d’intérieur naturaliste de Sérusier et les premières œuvres « synthétiques » – du nom de toiles où les couleurs sont posées en aplats et cernées de noir – par Paul Gauguin et Émile Bernard. Et « l’après » Talisman : des abstractions colorées, dont les intrigants Tétraèdres (1910) de Sérusier, flottant dans le cosmos. Entre les deux, des chefs-d’œuvre nabis, inspirés des estampes japonaises, du pinceau de Maurice Denis, Georges Lacombe ou encore Ker-Xavier Roussel. En point d’orgue, une section intitulée « icônes nabies », où un ensemble de pochades, tel le Christ vert (1890) de Maurice Denis, est rassemblé autour d’un coin, écho au « beau coin » réservé aux icônes byzantines.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°722 du 1 avril 2019, avec le titre suivant : Icônes nabies