Paris

Hugo et Rainer

Un dialogue étonnant entre Arnulf Rainer et le dessinateur Hugo

Le Journal des Arts

Le 31 octobre 2011 - 441 mots

PARIS - L’art contemporain s’invite à la Maison de Victor Hugo, à Paris. Mais que les « hugolâtres » se rassurent tout de suite, l’exposition « Arnulf Rainer/Victor Hugo, Surpeintures » rend un magnifique hommage à l’œuvre graphique de l’auteur des Travailleurs de la mer (1866) par l’entremise de l’artiste autrichien Arnulf Rainer.

De ce dernier, on connaît surtout les autoportraits raturés, griffés et surpeints de la série Faces Farces grâce à laquelle il a accédé à une renommée internationale dans les années 1970. On connaît moins ses séries de Surpeintures (Übermalungen en allemand) réalisées à partir des œuvres des grands maîtres de la peinture, parmi lesquels Rembrandt, Corot ou Rodin. Entre 1998 et 2002, Rainer s’est ainsi penché sur les dessins de Victor Hugo, révélant des affinités insoupçonnées entre l’univers de l’écrivain et celui du peintre.

La première salle est pédagogique, révélant la méthode de création de Rainer face aux pages déchirées des illustrations d’Hugo. Se saisissant de L’Ermitage (1855), un dessin à la plume et au lavis brun de relief rocheux où l’on distingue une construction humaine, l’artiste peint, rature, recouvre de sa facture. Il accentue, déforme ou approfondit la démarche de son illustre prédécesseur dans une création sérielle proche de l’obsession. Parfois l’image est inversée, agrandie ou réduite à l’impression laser. Le motif hugolien se perd, le dessin se fait abstrait.

Modernité d’Hugo
La modernité de l’œuvre d’Hugo sort intacte de ce face-à-face, elle paraît même renforcée par cette rencontre. Dans la deuxième salle, l’accrochage mêle dessins et Surpeintures. Étrangement, le dialogue entre Rainer et Hugo se joue dans ses relations nouées plastiquement. Arnulf Rainer tente à travers ses interventions de conserver l’unité de l’œuvre hugolienne, ce que permet la proximité de leurs univers graphiques, à la fois hallucinés et visionnaires. Dans le catalogue, le conservateur Pierre Georgel voit les Surpeintures de Rainer comme des « attentats qui sont des actes d’amour ». Caspar David Friedrich, Odilon Redon et Vincent Van Gogh en ont aussi été « victimes », chacun d’une manière différente, ce que l’exposition montre avec brio et subtilité. Avec la série Hugo, celle sur Redon est peut-être la plus réussie, préservant le mystère et l’obscurité de ses dessins. Tout à la fois formaliste et sensible, le parcours conçu à la Maison de Victor Hugo révèle sa modernité dans l’écho contemporain de l’œuvre d’Arnulf Rainer.

ARNULF RAINER/VICTOR HUGO, SURPEINTURES

Jusqu’au 15 janvier 2012, Maison de Victor Hugo, 6, place des Vosges, 75004 Paris, tél. 01 42 72 10 16, www.musee-hugo.paris.fr, tlj sauf lundi, 10h-18h. Catalogue, éd. Paris-Musées, 176 p., 30 €, ISBN 978-2-7596-0086-1

Commissariat : Leïla Jarbouai, conservatrice à la Maison de Victor Hugo
Nombre d’œuvres : 157

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°356 du 4 novembre 2011, avec le titre suivant : Hugo et Rainer

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