Une première exposition dédiée à l’architecture de l’hôtel particulier éclaire le visiteur sur les spécificités de ce type de demeure.
PARIS - En 1623, Pierre Le Muet, architecte du roi (1591-1669), livre un ouvrage pour le moins singulier. Intitulé Manière de bâtir pour toutes sortes de personnes, celui-ci consiste en une compilation de plans de maisons urbaines destinées à onze parcelles de tailles différentes, allant des plus petites aux plus grandes. Ce « catalogue » de constructions, véritable succès d’édition au point qu’il a été traduit en anglais en 1670, est significatif de la mode nouvelle qui s’empare de Paris. Dans certains quartiers déjà, les beaux terrains sont si prisés qu’ils se raréfient, imposant aux architectes de composer avec des configurations complexes. Avec son ouvrage, Le Muet entend montrer, concurrence oblige, qu’il est capable de s’adapter à tout type de situation pour satisfaire sa clientèle.
Son livre est l’un des nombreux documents présentés à la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, dans une première exposition dédiée à un élément architectural typique de Paris : l’hôtel particulier. Demeure de l’élite construite pour donner à voir sans être vu, cette grande maison a mué au fil des siècles, au gré de l’évolution des distributions intérieures mais aussi de l’amélioration des techniques du bâti. Toutefois, à de rares exceptions près, l’hôtel conservera au fil des siècles une même typologie : celle du corps de logis situé entre cour et jardin. Déjà présent au Moyen Âge, comme en témoignent quelques vestiges du XVe siècle (les hôtels de Cluny et de Sens), le modèle s’organise progressivement de manière plus rationnelle. Le XVIIe siècle sonnera ainsi les grandes heures de l’hôtel particulier parisien, qui engouffre quelques fortunes rapidement acquises dans le quartier du Marais puis des Fossés jaunes, à proximité de la place des Victoires, avant que le siècle suivant ne soit celui de la rive gauche. À chaque fois, les architectes les plus talentueux auront rivalisé d’ingéniosité pour proposer de vastes demeures avec cour, vestibule, escalier d’honneur et enfilades d’appartements, lesquelles constituent aujourd’hui des éléments majeurs du patrimoine parisien.
Maisons de rêve
Exposant un sujet qu’il a décliné avec talent dans maints ouvrages à succès, l’historien de l’architecture Alexandre Gady a donc sélectionné une série de documents, plans, relevés d’élévations…, mais aussi de maquettes, comme celle d’une célèbre construction de la Belle Époque, le Palais Rose (détruit en 1969), demeure du fantasque Boni de Castellane, pour illustrer l’histoire de ces maisons de rêve. Un regret peut toutefois être formulé : que le propos n’ait pas été poursuivi dans ces prolongements modernes et contemporains, Paris ayant continué à remplir ses « dents creuses » urbaines de quelques pépites architecturales perpétuant cette tradition.
L’architecture demeurant une discipline décidément ardue à exposer, le commissaire a fait le pari de la fantaisie. Les premières salles jouent ainsi la carte de la restitution de la distribution des différents espaces du rez-de-chaussée d’un hôtel particulier. De la cour au jardin, quelques pièces, vaguement remeublées, sont reconstituées de manière syncrétique pour tenter de faire pénétrer le visiteur à l’intérieur de ces maisons, souvent fermées aux regards. Tout y passe, du faux pavement de la cour aux faux murs en lambris, dans un concept audacieux signé du scénographe Philippe Pumain, mettant aussi en exergue, avec justesse, l’idée d’œuvre d’art totale inhérente à ces hôtels. Si ce parti pris peut gêner certains puristes, il ne gâche en rien cette savante exposition patrimoniale, d’un type auquel la Cité de l’architecture et du patrimoine ne nous habitue – hélas – guère.
Commissariat scientifique : Alexandre Gady, professeur des universités
Commissariat associé : Laurence de Finance, directrice du Musée des monuments français
Scénographie : Philippe Pumain, architecte
Nombre de prêteurs : 54
Jusqu’au 19 février, Cité de l’architecture et du patrimoine, Palais de Chaillot, 1, place du Trocadéro, 75116 Paris, tél. 01 58 51 52 00, tlj sauf mardi 11h-19h, jeudi jusqu’à 20h, www.citechaillot.fr
Les Hôtels particuliers de Paris, du Moyen Âge à la Belle Époque, (nouvelle édition à l’occasion de l’exposition), Alexandre Gady, photographies de Gilles Targat, éd. Parigramme, 320 p., 850 ill., 49 €, ISBN 978-2-84096-213-7.
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Hôtel, ouvre-toi !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°361 du 20 janvier 2012, avec le titre suivant : Hôtel, ouvre-toi !