Le palais des Doges accueille la principale manifestation du neuvième centenaire de la consécration de la basilique Saint-Marc : sous le titre \"Omaggio a San Marco. Arte tra Venezia e l’Europa\", l’exposition présente à travers des miniatures, des reliefs sculptés et des retables, l’iconographie suscitée par le saint patron de la Sérénissime ; de magnifiques reliquaires composent le deuxième volet de cet ensemble.
Venise - L’inauguration aura lieu le 8 octobre, date à laquelle, voici neuf cents ans, le corps de Saint Marc était déposé sous le grand autel de la basilique.
Dérobées à Alexandrie, dont Marc fut le patriarche et où il aurait subi le martyr en 828, les reliques furent remises par l’évêque de Venise au doge Giustiniano Partecipazio ; celui-ci promit de construire une basilique pour les abriter, engagement tenu par son frère et successeur qui commença les travaux de la première église, probablement la crypte actuelle, après 829. La légende veut que les reliques aient été volées en 830, vendues à l’évêque de Vérone, lequel les aurait cédées à l’abbaye de Reichenau, sur le lac de Constance, où est conservé en effet un coffret de Saint Marc, datant du XIVe siècle.
Vraie ou fausse, la légende témoigne du développement de ce culte bien au-delà des rives de la lagune. La Sérénissime, qui affirme peu à peu son pouvoir sur l’Adriatique, connaît la valeur des reliques, valeur religieuse mais aussi politique : dans le flou juridique qui fait suite au démembrement de l’Empire romain, seuls les cités et les évêques qui semblent tenir leur légitimité des douze apôtres, peuvent espérer voir leur pouvoir reconnu.
Les reliques jouent un rôle capital à cet effet. Venise acquiert celles de Bartolomée, de Pierre, des quatre évangélistes et de Marc, disciple de Pierre. Les reliques déterminent l’architecture des églises qui les abritent : ces dernières s’inspirent, comme Saint-Marc, de la basilique des Douze Apôtres de Constantinople, à plan grec.
À partir de Venise, l’imagerie liée au culte de Saint Marc se répand dans toute l’Europe, comme le montrent les enluminures de très anciens manuscrits, grâce auxquelles on peut suivre l’évolution de cette iconographie. C’est d’abord l’évangéliste qui est représenté, comme dans l’évangéliaire de Saint Bernward provenant de Hildesheim, où l’on voit Saint Pierre remettant à Marc le rouleau sur lequel il rédigera le texte sacré. Le personnage du patriarche d’Alexandrie s’impose ensuite, par exemple sur le relief sculpté en ivoire conservé au Louvre.
Enfin, le martyr prend une place prépondérante, avec la représentation de la visite que le Christ lui rend en prison, lui disant la célèbre phrase: "Pax tibi, Marce, evangelista meus", événement qu’évoque le retable de Saint-Marc. À partir du Xe siècle, le lion, symbole du saint, est de plus en plus souvent associé à la résurrection du Christ, ainsi que nous le rappelle le manuscrit de la Biblioteca Casanatense de Rome.
L’exposition propose un deuxième champ d’exploration avec les reliquaires. Si le trésor de Saint-Marc, que l’on peut visiter dans la basilique, en constitue le noyau central, cet art se décline d’innombrables façons et en d’innombrables lieux.
Après la conquête de Constantinople en 1204, Venise devient, grâce au savoir-faire de ses artisans, le centre à partir duquel rayonne l’art byzantin. On peut ainsi mentionner le triptyque d’Alba Fucense, provenant du Palazzo Venezia de Rome et daté du début du XVe siècle : la richesse des matériaux employés – bois doré, pierres dures, pierres précieuses, cristal de roche et enluminures – copie le faste des objets orientaux. Ou encore les reliquaires de Dignano et de l’abbaye de Charroux, dont l’élément central renvoie à des modèles byzantins, de même que les voiles, restaurés pour l’exposition, qui servaient à recouvrir les autels de Saint-Marc pendant le Carême.
Mais Venise appartient aussi à l’Occident. Le reliquaire de l’abbaye de Charroux, dont la curieuse forme de pied se répandra en Italie septentrionale, rappelle l’orfèvrerie allemande du XIIIe siècle. Le retable d’or de l’église de Caorle associe des reliefs allégoriques d’inspiration byzantine et une ornementation d’influence allemande. L’orfèvrerie vénitienne conservera, du XIIe au XVe siècle, quelques constantes : emploi de pierres précieuses, de pierres dures, de cristal de roche, recours aux enluminures et à de riches enchâssements.
Venise, Basilique Saint-Marc, Hommage à Saint Marc.
L’art à Venise et en Europe. 8 octobre-28 février 1995.
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Hommage à Saint Marc
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°7 du 1 octobre 1994, avec le titre suivant : Hommage à Saint Marc