Collection

Anniversaire

Hommage à la collection de Daniel-Henry Kahnweiler

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2013 - 695 mots

PARIS

Pour son 30e anniversaire, le LaM croise les regards du marchand Daniel-Henry Kahnweiler et de ses clients, Roger Dutilleul et son neveu Jean Masurel dont les collections ont enrichi le musée.

VILLENEUVE D'ASQ (NORD) -  Identifier le LaM-Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, comme un lieu dans lequel les collectionneurs sont les bienvenus, tel est le credo du musée créé en 1979. Si l’institution doit son existence à la donation de la collection d’art moderne de Jean et Geneviève Masurel, elle s’est enrichie au gré de la générosité d’une série de donateurs, telle l’association L’Aracine qui lui confie son époustouflant fond d’art brut en 1999, ou Maurice Jardot, ancien directeur de la galerie Kahnweiler, qui lui lègue plus d’un millier d’ouvrages de sa bibliothèque en 2003. Pour marquer le trentième anniversaire de l’ouverture du musée au public, un hommage aux figures historiques derrière la création du LaM s’est donc imposé.

Personnage incontournable du marché de l’art parisien pendant la majeure partie du XXe siècle, Daniel-Henry Kahnweiler tient le premier rôle d’un parcours conçu tel un pas de deux. D’un côté les œuvres de la collection personnelle du galeriste et celles de ses successeurs à la galerie, Louise et Michel Leiris et Maurice Jardot. De l’autre, les œuvres acquises à la galerie Kahnweiler (et ses succédanées, la galerie Simon et la galerie Louise Leiris) par l’amateur passionné Roger Dutilleul, puis par son héritier et bienfaiteur du LaM, Jean Masurel. Dans cette histoire familiale, pour ne pas dire dynastique, défilent les grands noms du modernisme soutenus par Kahnweiler : Léger, Gris, Derain, Van Dongen, Laurens, Masson et bien entendu Picasso, dont il finira par obtenir l’exclusivité ; auxquels s’ajoute une seconde génération : de Kermadec, Roger, Beaudin… après-guerre.

Un collectionneur passionné par la figuration
Georges Braque, dont Dutilleul avait acheté l’une des premières toiles cubistes chez Kahnweiler, est à la fois le grand absent et le responsable de ce panorama. En échange de l’envoi des tableaux du cubiste à l’actuelle rétrospective au Grand Palais à Paris, le LaM a obtenu du Musée national d’art moderne-Centre Georges Pompidou (Mnam) une sélection d’œuvres du legs Michel et Louise Leiris. Malgré le vide symbolique laissé par Braque, l’accrochage retraçant les différentes étapes de la vie de la galerie, permet d’observer l’assurance du goût de Kahnweiler, ardent défenseur de la figuration. Se dessinent également les méandres rencontrés par la constitution de la collection Dutilleul/Masurel, au fur et à mesure que les prix des toiles des hérauts du modernisme se faisaient prohibitifs – héritier de son oncle en 1956, Masurel n’achètera jamais de Picasso. Entre les deux fonds, les correspondances sont nombreuses et les œuvres de haute tenue. Seule pomme de discorde dans le couple formé par le marchand et son client au goût affirmé : Juan Gris. Dutilleul trouvait les œuvres de l’Espagnol trop sèches et trop scolaires à son goût – il a même refusé une toile dont Kahnweiler voulait lui faire don !

Ce regard historique croisé, sans prétention d’exhaustivité, vient compléter les ouvrages et expositions consacrés à la saga Kahnweiler ces trente dernières années, sur laquelle un gros travail de recherches reste à faire (1). Le parcours, doté d’éléments documentaires pertinents, prend tout son relief lorsque la petite histoire vient se mêler à la grande. En 1914, le fonds de la galerie Kahnweiler était placé sous séquestre au titre de bien ennemi, et dispersé aux enchères entre 1921 et 1923. Sont ici présentés deux superbes toiles de Léger du MnaM (Femme couchée, 1913 et Paysage, 1914), déposés au LaM, acquises  par Dutilleul à la dernière « vente Kahnweiler ». Au grand dam du marchand, interdit de racheter les œuvres en son nom propre.

(1) La galerie Louise Leiris est toujours en activité, et l’accès au contenu de ses archives reste limité.

Picasso, léger, Masson

Commissaire : Jeanne-Bathilde Lacourt, conservatrice en charge de l’art moderne au LaM

Jusqu’au 12 janvier 2014, LaM-Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, 1 allée du musée, 59650 Villeneuve d’Ascq, tél. 03 20 19 68 68, www.musee-lam.fr, tlj sauf lundi, le 25 décembre et le 1er janvier, 10h-18h. Catalogue, édité par le musée, 172 p., 30 €.

Légende photo

Couverture du catalogue de l'exposition "Picasso, Léger, Masson. Daniel-Henry Kahnweiler et ses peintres"

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°400 du 1 novembre 2013, avec le titre suivant : Hommage à la collection de Daniel-Henry Kahnweiler

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