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Hollande réaliste mais magique

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 avril 2000 - 407 mots

Longtemps tenue pour secondaire au regard de la fantastique fortune critique des avant-gardes du début du XXe siècle, la production artistique réaliste de l’entre-deux-guerres n’a véritablement été réévaluée que depuis deux décennies. Par-delà toute considération polémique, l’exposition « Les Réalismes 1919-1939 », organisée par Jean Clair au Centre Pompidou en 1980, a opéré comme un révélateur. Une quinzaine d’années plus tard, c’était au tour du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris de mettre en exergue, dans une exposition intitulée « La beauté exacte », ce qu’il en était de cette part réaliste au regard de l’aventure abstraite qui fonde pour partie la modernité des Pays-Bas. Si le regard contemporain a donc eu l’occasion de mesurer l’importance de cette tendance réaliste néerlandaise, celle-ci n’avait encore jamais vraiment fait l’objet d’une manifestation spécifique. Pour Carel Blotkamp, commissaire de cette exposition à l’Institut néerlandais et au Musée d’Arnhem, la question du réalisme à cette époque ne se pose pas de façon univoque et ne trouve pas à s’illustrer dans une forme unique, mais correspond à toutes sortes d’orientations et de formulations plastiques dont l’éclectisme signale les effets de croisement et d’échange des différents mouvements artistiques apparus au cours de cette première moitié de siècle. Ainsi le néo-réalisme, la Nouvelle Objectivité, le réalisme magique et le surréalisme structurent-ils ici ce qu’il en est d’une tendance réaliste, considérée non comme une catégorie définie et close mais comme le vecteur directeur d’un regard sur le monde, à partir de soi et tout autour. Ordonnée en fonction de certains thèmes qui témoignent tant d’une proximité (autoportraits, natures mortes, figures de nus et portraits) que d’une attention à l’actualité (sujets sociaux et politiques), « Magie et Réalisme » traduit l’agitation, l’inquiétude et les craintes d’une époque à l’épilogue tragique. L’étrange Rhapsodie des bas quartiers de Pyke Koch (1929), L’Usine désertée de Theo Stiphout (1933), le grand Autoportrait de Dick Ket (1935), le terrifiant Clown de Charley Toorop (1941) en témoignent. Ce sont là des œuvres dont les qualités plastiques, tantôt neutres et froides, tantôt d’un expressionnisme cru et virulent, interrogent la réalité brutale et immédiate du monde. Et il en est ainsi de la centaine de pièces réunies dans cette exposition, à la façon de la Neue Sachlichkeit allemande, de la peinture métaphysique italienne ou du retour à l’ordre français. Une manière d’inscrire le réalisme néerlandais de l’entre-deux-guerres au compte d’une histoire de l’art européen pleinement partagée.

PARIS, Institut néerlandais, jusqu’au 28 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°515 du 1 avril 2000, avec le titre suivant : Hollande réaliste mais magique

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