Comment imaginer Herb Ritts ailleurs qu’à Los Angeles ? Vivant dans un monde à part, un monde de jeunes gens musculeux, de comédiens riches et célèbres, de chanteuses demi-mondaines, un monde où il importe avant tout d’avoir une « image »... Qu’elle soit lisse ou sulfureuse importe peu, du moment qu’il existe un photographe non moins star pour la relayer. N’attendons pas d’Herb Ritts qu’il nous montre, tel un Avedon ou un Penn, la souffrance, les remords, les tensions, les ivresses qui abandonnent leur empreinte sur les visages, des paupières lasses aux commissures des lèvres amères. Les traces de la vraie vie en somme. Non. Chez Ritts, tout n’est que luxe et volupté, comédie légère et infini désir de paraître. Ce n’est pas lui qui tend un miroir à l’Amérique, avec en retour son lot inévitable de surprises désagréables, mais bien l’Amérique (enfin, une certaine Amérique de magazines people) qui exige de cet honnête artisan une auto-représentation flatteuse, en tout point conforme à cette fameuse image au préalable définie entre un cabinet d’avocats et un bureau d’impresario. Le bonhomme, qui ne manque pas de culot, invoque les ombres tutélaires de Man Ray et d’August Sander, là où nous voyons plutôt un nouvel avatar d’Arno Breker. Apologiste du corps bodybuildé, thuriféraire de pouvoirs éphémères, Herb Ritts (mais l’on pourrait aussi bien écrire Bruce Weber, Steven Meisel ou Annie Leibovitz) est le bon serviteur d’une puissance narcissique, ravie de son reflet hypertrophié.
PARIS, Fondation Cartier, jusqu’au 12 mars, cat. coéd. Cartier/Actes Sud, 184 p., 240 F.
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Herb Ritts ou l’image bodybuildée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°513 du 1 février 2000, avec le titre suivant : Herb Ritts ou l’image bodybuildée