VINCENNES
La Sainte-Chapelle de Vincennes accueille un petit parcours dense et bien écrit, consacré aux aspects méconnus de son règne (1547-1559).
Vincennes. Voilà une exposition « rescapée » de la crise du Covid-19, selon les mots de Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux. « Un roi de guerre à la Renaissance : Henri II à Vincennes » avait tout pour être victime de la crise sanitaire : d’importants prêts venus du Louvre, de la Bibliothèque nationale de France et du Musée de l’armée, et des conditions climatiques bien plus fluctuantes que celles d’un musée. Abrité sous une tente de guerre installée dans la Sainte-Chapelle du château de Vincennes, le parcours ouvre tout de même ses portes six mois plus tard et il aurait été dommage de passer à côté de ce joli travail de vulgarisation mené par l’historien Didier le Fur.
L’historien spécialiste du XVIe siècle a dû composer avec une double contrainte pour construire son parcours : la superficie modeste du lieu et la concurrence du Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye qui proposait un événement consacré au même personnage quelques mois auparavant. L’occasion idéale pour explorer l’histoire trop peu racontée du chef de guerre qui se cache derrière ce roi, dont on brosse habituellement le portrait par la généalogie et les histoires de cœur. En trois points et une vingtaine d’objets, l’exposition replace le contexte géopolitique mal connu et expose les ambitions d’Henri II, qui se rêvait en « dernier empereur ».
Une prophétie, circulant en Europe depuis la fin du règne de Charlemagne, prédit qu’un prince venu du Nord construira un empire chrétien jusqu’à Jérusalem, dont il fera sa capitale. C’est sous l’égide de ces prédictions qu’Henri II justifie ses campagnes militaires en Italie, où il est arrêté par un autre prétendant au titre de « dernier empereur », Charles Quint. À travers plusieurs cartes prêtées au château de Vincennes, le visiteur découvre l’imaginaire chrétien qui régit cette vision du monde. Puis l’héritage impérial et antique dont se réclame le roi guerrier, à travers des gravures de propagande.
La boucle se referme sur le déplacement de l’ordre de Saint-Michel à Paris par Henri II, dont le siège se trouvait précisément dans la Sainte-Chapelle du château de Vincennes. L’édifice dont Henri II a parachevé la construction, porte des traces de son court règne, des monogrammes ornant les croisées d’ogives à l’iconographie des vitraux. Plus qu’une exposition, c’est un parcours qui éclaire la visite de la Sainte-Chapelle – restaurée il y a trois ans –, et plonge le visiteur dans le contexte historique singulier de son édification.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°552 du 2 octobre 2020, avec le titre suivant : Henri II à contrepied