Art contemporain

Helen Mirra : une œuvre radicale, écologique et contemplative

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2022 - 729 mots

ROCHECHOUART

Le château de Rochechouart offre sa première exposition personnelle dans une institution française à cette artiste américaine active depuis le milieu des années 1990.

Rochechouart (Haute-Vienne). Ce n’est pas simple d’organiser une exposition des œuvres d’Helen Mirra (née en 1970 à New York). Sur le site de l’artiste, très ferme quant à ses convictions écologiques, on trouve le détail des conditions requises pour polluer le moins possible lors des phases de production, de transport, d’emballage, de conservation, etc. « Nous ne prétendons pas “bien faire” ; nous évitons activement de mal faire », écrit-elle, plus modeste qu’intransigeante.

Le château de Rochechouart s’est astreint à respecter autant que possible ces instructions. Certaines avaient même été anticipées. Sébastien Faucon, conservateur en chef et directeur du Musée d’art contemporain de la Haute-Vienne, avait en effet récemment changé le système de présentation des cartels et adopté un dispositif léger et élégant : une simple feuille repliée sur deux pointes fixées au mur, ce qui évite d’avoir recours à l’adhésif, banni par l’artiste. Il a fallu opter aussi pour de la peinture à l’eau plutôt qu’à l’acrylique. Et renoncer, surtout, à la venue d’Helen Mirra. Pas tant du fait de la pandémie, mais parce qu’elle évite à présent de voyager en avion alors qu’elle y consentait encore il y a quelques années, par exemple pour sa participation en 2012 à la biennale des Ateliers de Rennes. Cette fois-ci, tout a été réglé à distance, ce qui n’exclut pas une extrême précision, car Helen Mirra est éprise de mesures mathématiques autant que de nature.

« Rigueur et poésie »

Il est passionnant de voir ce que peut être une exposition visant une telle cohérence entre le fond et la forme. « C’est un travail plein de rigueur et de poésie, parfait pour ce lieu, qui à ses débuts a invité des artistes tels que Wolfgang Laib, en 1989, Richard Long, en 1990, ou Michelangelo Pistoletto, en 1993 », souligne Sébastien Faucon. Les œuvres exposées se caractérisent par un dépouillement proche de l’épure, comme, dans la première salle, où ces « Paragrafs » (2003) explicitement minimalistes, formant une série de cinq éléments en bois de palette recouvert de tissu laineux peint au lait, sont placés au mur à la façon de « petites étagères sans prétention », selon la formule du directeur. Rien ne laisse deviner l’application patiente requise pour tracer à l’aide de pochoirs en papier – pas de plastique – les lettres du poème concis de Glacier (2009), dont le fond gris est à l’image d’une neige salie. Plus loin sont présentés des relevés de terrain effectués au cours de marches de plusieurs heures qu’ils viennent à la fois rythmer et documenter. L’analogie musicale suggérée par ces empreintes frottées, parfois semblables à des partitions, est renforcée par les longues plages de silence des blancs laissés entre les œuvres. On rentre, doucement, dans un état contemplatif ; l’atmosphère extraordinairement calme de ce château en bord de forêt y est propice. Le parquet craque et la cire embaume.

Un forme, son odeur, un son

Deux pièces frappent particulièrement l’imagination et les sens. L’une, Straw Fold (2011-2021, [voir ill.]), est située au début du parcours, dans la tour de la chapelle. Le sol de cette dernière a été tapissé de bottes de foin carrées – un format artisanal qui tend à disparaître mais que par chance un agriculteur local a choisi de respecter. « Nous lui en avons commandé 250 », précise Sébastien Faucon. La souplesse et l’humidité de l’herbe fauchée sont perceptibles sous les pas qui hésitent et s’enfoncent dans ce revêtement épais. Physiquement déstabilisé, le visiteur éprouve l’évidence de ce contact naturel, son odeur. Une composition sonore lancinante accompagne cette installation ; interprétée à la guitare, Miller’s View (2001) reproduit le mouvement cyclique et rotatif des pales d’un moulin actionnées par le vent.

La seconde œuvre est un amoncellement de couvertures d’hôpital militaire blanc cassé, superposées les unes sur les autres en étoile (Wolke, 2006). Là aussi, l’attention nécessaire à leur mise en place en étalement espacé, autant que la simplicité formelle du résultat séduisent par un mélange de douceur et d’exigence. Rien de fragile cependant dans ce travail, qui a été montré dans de nombreux musées ainsi que dans des foires par les galeries qui le soutiennent : Meyer Riegger (Karlsruhe, Berlin) ; Nordenhake (Stockholm) ; Peter Freeman (New York, Paris) et Raffaella Cortese (Milan). Et dont l’austérité hésite entre un rigorisme intenable et une ascèse admirable.

Helen Mirra, du vent au vent,
jusqu’au 18 septembre, Musée d’art contemporain de la Haute-Vienne, château de Rochechouart, place du Château, 87600 Rochechouart.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°585 du 18 mars 2022, avec le titre suivant : Helen Mirra : une œuvre radicale, écologique et contemplative

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