“Un artiste se doit de sublimer”?. Tel est le point de vue exprimé par Franz West à Bregenz où la Kunsthaus lui consacre actuellement une importante exposition personnelle. L’artiste maîtrise son propos tant il a, depuis une vingtaine d’années, élevé au rang d’œuvre d’art les matériaux les plus ordinaires, du papier mâché au tube d’acier.
BREGENZ - Sculptures, collages, chaises, pied de nez, Franz West a plus d’une corde et l’exposition que lui consacre actuellement la Kunsthaus de Bregenz, en Autriche, lui offre une belle portée pour déposer ses notes. Pour le vernissage, Michael Mautner était le maître de musique. Sa composition On my Word a ainsi servi de paysage sonore à une performance qui a plongé une moto de course dans un bain de boue. Après cet acte héroïque, la Ducati, entièrement recouverte d’une pellicule de terre, a trouvé une place de choix : elle est installée comme les meilleures sculptures sur un socle monumental, au dernier étage du musée. Là, le bolide dialogue avec un énorme tube rose aux formes enchevêtrées et dont le titre même résume toute la tension : Drama (2001).
Mais avant d’accéder à ce dernier étage, le visiteur découvre un panorama particulièrement saisissant du travail de Franz West. Au rez-de-chaussée, ce sont d’abord une soixantaine de sièges verts, réalisés à partir de moulages d’un tronc d’arbre, qui se déploient pour former un mini espace de débats. Ils donnent l’occasion à l’artiste autrichien d’explorer de nouveaux matériaux pour la réalisation de son mobilier. À côté, l’installation We’ll not Carry Coals (nous ne porterons pas de l’eau à la rivière), qui donne son titre à l’exposition, réunit aussi des contributions de Jean-Marc Bustamante, Michelangelo Pistoletto, Rudolf Polansky et Jannis Kounellis. Cette pratique de l’œuvre à plusieurs mains, West s’y adonne fréquemment, à l’exemple de Synchronie (Abriss) (1997) où l’on retrouve encore Pistoletto, mais aussi Zobernig, Simoni... Une pièce qui côtoie, au premier étage du musée, un ensemble rétrospectif d’œuvres de l’artiste. Figurent en bonne place ses fameuses Passstücke, sculptures conçues pour être maniées par les visiteurs, venir s’imbriquer dans leur corps, se transformer en nouvel organe. Une cabine disposant d’un miroir permet même une certaine forme d’essayage. Plus loin, une vidéo montre le commissaire d’exposition brésilien Paulo Herkenhoff utilisant l’une de ces Passstücke, en l’occurence une sorte de sac à main, dans un ballet déchaîné. Sur un autre mur de la salle ont été accrochés cinquante-huit collages réalisés par West depuis 1976. Mêlant peinture, dessin, photographies découpées dans des magazines ou des catalogues de vente par correspondance, ces pièces témoignent de la franche dérision dont l’artiste est coutumier.
Ce caractère n’est pas non plus absent du second étage, large plateau sur lequel se dressent dix sculptures, merveilleusement mises en valeur par l’écrin que constitue l’architecture zen de Peter Zumthor. Pour la première présentation en Europe de Sisyphos (Sisyphe), réalisée en 2002, West a retiré trois sculptures pour les remplacer par des Placebos, renommant l’installation Süffisos. La pièce fait évidemment référence au mythe de Sisyphe. “Ma première conception de ce groupe a été une ‘prédiction qui se réalise’”, souligne l’artiste dans le catalogue. Un clin d’œil à la philosophie idéaliste allemande qui voit dans la légende grecque le symbole du travail de l’artiste.
Jusqu’au 14 septembre, Kunsthaus Bregenz, Karl Tizian Platz, Bregenz, Autriche, tél. 43 5574 485 94-0, tlj sauf lundi 10h-18h, jeudi 10h-21h. Catalogue, 284 p., 54 euros
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Go West...
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°175 du 29 août 2003, avec le titre suivant : Go West...