En 1968, Gilles Caron est photographe depuis trois ans. À 29 ans, il est déjà connu pour ses reportages au Viêtnam et sur la guerre des Six Jours pour Gamma.
Lors des événements de Mai 68, il est sur le terrain, à Nanterre et au quartier Latin. Quelques-unes de ses images, dont celle de Daniel Cohn-Bendit face à un CRS, deviendront des icônes. Dans son récit subtil sur Gilles Caron et l’année 1968, l’historien Michel Poivert élargit cependant la vision à bien d’autres prises de vue : plus de 80 % des trois cents photographies exposées à l’Hôtel de Ville sont en effet des tirages inédits réalisés à partir de planches-contacts conservées dans les archives du photoreporter. Son choix de l’entamer par une galerie de portraits de jeunes comédiens, chanteurs ou réalisateurs de la Nouvelle Vague pose le contexte de la jeunesse, les différents portraits du général de Gaulle qui suivent, la figure de l’autorité. Les scènes d’occupation de Nanterre qui leur succèdent, puis de manifestations ou d’affrontements au quartier Latin disent, elles, le talent de Gilles Caron à saisir cette jeunesse belle et rebelle. Mais Caron n’oublie pas l’ombre de la guerre d’Algérie sur la société française quand il photographie les étudiants de Nanterre devant une barre d’HLM, puis un bidonville à quelques centaines de mètres d’eux. Ce regard acéré se retrouve dans ses images sur les manifestations pro de Gaulle, puis sur les Jeux olympiques de Mexico ou sur la guerre du Biafra. Ce regard en dit long aussi sur ses propres questionnements sur le métier de photoreporter qui lui coûtera la vie deux ans plus tard.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°713 du 1 juin 2018, avec le titre suivant : Gilles Caron en 1968