L’artiste japonais Yasumasa Morimuras s’est fait une spécialité de l’autoportrait interprétant personnages historiques et culturels.
Il se fait photographier à plusieurs reprises en Frida Kahlo : le visage orienté trois-quarts, le sourcil extraordinaire, le duvet sombre ourlant les lèvres, les cheveux noir jais tressés et relevés, coiffés en leur sommet par un arrangement floral, les lourdes boucles d’oreilles, le châle et le long jupon accrochant le sol. Y figurent tous les attributs de l’héroïne et de son art, jusque dans la facture frontale, kitsch et colorée empruntée à la peinture populaire mexicaine.
Si Morimuras endosse le personnage, c’est bien que ses codes iconographiques sont depuis longtemps déjà archivés dans la mémoire collective. Ambassadrice malgré elle d’un surréalisme que lui plaqua André Breton dans les années 1930, porte-drapeau des mouvements féministes et Chicanos dans les années 1960-1970, pièce majeure de la construction d’une identité picturale mexicaine, moitié romanesque et dévouée de son engagé de mari le peintre Diego Rivera, Frida Kahlo (1907-1954) pourrait bien exister davantage dans les causes que portèrent ses défenseurs que dans sa peinture à proprement parler.
Le San Francisco Museum of Modern Art (SFMoMA) qui lui consacre une copieuse rétrospective s’adosse d’ailleurs à cette histoire dans l’histoire, celle d’un héritage multiple et parfois contradictoire, capté par Hollywwod, les mouvements gays et lesbiens, le marché, ou la communauté mexicaine aux États-Unis. Sa vie – brève –, ses amours – tumultueuses –, ses engagements – idéalistes –, son corps – accidenté et toujours souffrant – sont autant d’éléments qui auront largement participé à la construction de l’icône. Autant que symboles, suggestions, métaphores à clés et à mystères, manières violentes, crues et faussement naïves véhiculées par sa peinture. Un « ruban autour d’une bombe » disait d’elle André Breton. Brisée mais résistante, victime mais d’une énergie folle, autant de clichés déjà présents dans la langue picturale autocentrée de Frida Kahlo.
« Frida Kahlo », SFMoMA, San Francisco (États-Unis), www.sfmoma.org, jusqu’au 28 septembre 2008.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Frida Kahlo
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°605 du 1 septembre 2008, avec le titre suivant : Frida Kahlo