Rendez-vous médiatique de chaque début
d’année, la communication des chiffres «Â officiels » de fréquentation des musées français n’est pas – toujours – à prendre à la lettre.
Le début d’année n’a pas dérogé à la règle avec la traditionnelle diffusion des chiffres de fréquentation annuelle des musées. Mais à la différence de l’an dernier, le Louvre, le Centre Pompidou et le Musée d’Orsay n’ont pas dès la semaine du 20 décembre communiqué à leur propos, car les résultats 2013 n’affichent pas d’aussi belles envolées. Demeure cependant cet indéfectible attachement aux chiffres que les musées et les médias affectionnent et diffusent allègrement surtout quand il s’agit de records battus ou de succès triomphants d’expositions. Mais que recouvrent réellement ces chiffres ? Lorsque le 15 septembre dernier, le MuCEM annonçait « un million de visiteurs après trois mois d’ouverture », l’information reprise telle quelle par les médias laissait dubitative, surtout si l’on ne continuait pas la lecture du communiqué précisant que ce million représentait le nombre de visites (et non de visiteurs) du musée, du fort Saint-Jean et du J4, ces deux espaces en accès libres et incorporés au bâtiment du MuCEM. Ramené aux seuls visiteurs des expositions du MuCEM, le chiffre se dégonflait aux deux tiers.
Ne pas confondre visites et visiteurs
L’amalgame entre visites et visiteurs est fréquent. Lorsque le 26 décembre 2012, le Centre Pompidou annonçait un record de fréquentation qui « devrait atteindre plus de 3,8 millions de visites dans le musée et les expositions », Libération, pour ne prendre que son exemple, titrait le jour même sur « le nouveau record de fréquentation avec plus de 3,8 millions de visiteurs grâce à Matisse, Richter et Dalí ». Or parler du nombre de visites pour le Centre Pompidou revient à parler du nombre de personnes qui entrent dans le bâtiment, autrement dit qui peuvent ne pas monter dans les étages pour visiter les expositions ou le musée, mais qui peuvent se rendre à une projection de film, à un débat, au café du rez-de-chaussée, à la librairie-boutique, voire aux toilettes.
Rien n’est donc simple au royaume des chiffres, ni dans le mode de calcul qui diffère d’une institution à une autre : ce qui rend par conséquent très approximatives, voire erronées, les comparaisons d’un musée à un autre puisqu’aucune harmonisation pour l’heure n’est menée. Pour les expositions du Grand Palais, Valérie Vesque-Jeancard, directrice générale déléguée de la RMN-GP, explique que le chiffre communiqué « correspond au nombre précis de visiteurs qui sont rentrés dans l’exposition avec un titre payé plein tarif ou à tarif réduit ou encore délivré à titre gratuit. La privatisation de l’espace rentre également dans le comptage qui se fait à l’entrée de l’exposition par nos contrôleurs. » Et Valérie Vesque-Jeancard de souligner qu’« une personne qui a acheté un billet et qui ne se présente pas ne sera pas comptabilisée ».
Différentes méthodes de calcul entre institutions
Au Musée du Louvre, la méthode de calcul diffère. Le chiffre précis est calculé à partir de la base échantillonnée du baromètre des publics, à l’instar du recensement de la population mené par l’Insee depuis une dizaine d’années sur ce modèle bien plus précis et fiable. « Le niveau des publics du musée ne nous permet pas d’avoir un système de comptage électronique fiable », précise Hervé Barbaret, administrateur général de l’établissement, en rappelant que la moitié des visiteurs (gratuits et porteurs de carte) passent sans billet. Au Musée du quai Branly, c’est en revanche un système électronique de scan de billets incluant ceux délivrés gratuitement qui est utilisé. Il retient donc toutes les entrées au musée, que ce soit pour les expositions temporaires, permanentes ou les autres activités du musée (conférences, ateliers, etc.).
Au Musée d’Orsay, où les espaces d’expositions temporaires sont intégrés aux espaces du musée et où depuis le début de l’année a été instauré un tarif unique de 11 euros, le comptage se fait manuellement et électroniquement en attendant la mise en place d’un système de code à barres. Idem pour le Musée de l’Orangerie dont les communiqués de presse précisent également le nombre de visiteurs par jour comme pour ceux du Musée d’Orsay et de la RMN. Une donnée de fait bien plus précise qu’une donnée générale de fréquentation. Car comment comparer des expositions si elles n’ont pas le même nombre de jours d’ouverture ni des créneaux horaires identiques ?
Autant de précisions donc à prendre en compte qui n’évacuent cependant pas la question du trucage des chiffres communiqués. « Vis-à-vis de notre tutelle, le ministère de la Culture et de la Communication auquel nous délivrons ces chiffres et avec lequel nous avons un contrat d’objectifs et de performance, nous n’avons pas du tout intérêt à les gonfler, car il s’agit de nos recettes », indique Anne Mény-Horn, administratrice adjointe au Musée d’Orsay, tout en rappelant comme Hervé Barbaret que « la qualité d’une exposition ne se juge pas à sa fréquentation ». Et l’administrateur général du Louvre de souligner « que “Le printemps de la Renaissance” ne devrait pas faire des chiffres fabuleux en termes de fréquentation ; mais elle est au cœur du musée, et nous en sommes fiers. »
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Fréquentation des musées : ce que cachent les chiffres
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°665 du 1 février 2014, avec le titre suivant : Fréquentation des musées : ce que cachent les chiffres