Le Musée des beaux-arts de Chambéry situe avec habileté le plasticien français dans son époque et ses influences.
CHAMBERY - Ce n’est qu’une fois à l’intérieur du Musée des beaux-arts de Chambéry, que l’on apprend qu’en réalité l’exposition commence à l’extérieur. Plus précisément, l’œuvre qui est à l’origine de cette manifestation, Le Fantôme de Malevitch (1982), une « désintégration architecturale », est encastrée dans la façade latérale du bâtiment. Réalisé en marbre, non sans ironie – c’est la seule fois que Morellet fait appel à cette matière considérée comme noble –, un carré évidé est posé sur une pointe et ne laisse voir que ses quatre extrémités. Hommage ambigu à l’artiste russe et son légendaire Carré blanc sur fond blanc (1918), dont l’abstraction radicale n’est pas étrangère au minimalisme qui s’étend un peu partout dans les années 1960. On y reconnaît l’irrévérence de Morellet, dont la production plastique est traversée par la dérision.
Disposées dans une salle de dimensions imposantes, mais contraignante pour la scénographie, les œuvres viennent de nombreux créateurs avec lesquels Morellet a des affinités électives et parfois même des amitiés solides. C’est ainsi qu’à l’entrée le visiteur est accueilli par une œuvre monumentale d’Ellsworth Kelly, Two Panels : Blue Yellow (1970), à laquelle fait face une structure de Sol LeWitt, Serial project n° 1, (ABCD) A 4 ( 1966). Puis, à L’Hommage au carré de Josef Albers (1954), répond une toile de Morellet, 3 200 carrés (1957). La liste est longue, car les commissaires ont cherché à situer la production plastique de l’artiste français en rapport avec, entre autres, ses confrères américains. Méfions-nous toutefois du jeu favori des historiens d’art, qui consiste à réduire les œuvres à un maillon d’une chaîne, permettant de les mettre en perspective. Sans doute, les formes épurées de Morellet partagent l’esthétique minimaliste. Cependant, chez lui, la régularité sévère d’une forme géométrique se voit envahie par un désordre qui nie toute possibilité de stabilité définitive.
Un langage spontané et inspiré
De même, parmi ses quelques très beaux dessins préparatoires, on trouve des études qui font songer aux consignes que donne Sol LeWitt aux « exécutants » de ses travaux. À cette différence près : même si Morellet cherche « à réduire au minimum les décisions subjectives… pour laisser agir librement les systèmes simples, évidents », il n’a rien d’un vrai artiste conceptuel. De fait, ses travaux s’apparentent davantage à des bricolages absurdes qu’à des projets où l’idée est plus importante que sa réalisation matérielle. Ailleurs, pour 4 panneaux avec 4 rythmes d’éclairages interférents (1963), il emploie des néons lumineux pratiquement en même temps que Dan Flavin et ses tubes fluorescents. Morellet, toutefois, évite soigneusement l’ambiance méditative, voire transcendantale, qui caractérise l’œuvre de l’artiste américain.
Pour lui, adepte des calambours, l’humour reste une composante quasiment constitutive de l’œuvre. Le titre d’une série de gravures ici Sur la fragmentation, la gravure et l’art de ne rien dire (1980), en est un exemple.
On pourrait regretter l’absence à Chambéry d’au moins une œuvre « classique » de Morellet, à partir de trames tracées avec une irrégularité parfaite. Pour autant, le dialogue entre l’artiste et ses amis s’établit avec justesse.
Commissaires : Caroline Bongard et Sébastien Delot
Nombre d’œuvres : 100
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François Morellet en famille
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 19 mars, Musée des beaux-arts de Chambéry, place du palais de justice, 73000 Chambéry, tél. 04 79 33 75 03, www.chambery.fr/musees, tlj sauf mardi 10h-18h, entrée 5,50 €. Catalogue, 80p., 25 €.
Légende Photo :
François Morellet, Le Fantôme de Malevitch, 1982, façade du Musée des beaux-arts de Chambéry. © Photo : RMN (Musée des beaux-arts de Chambéry)/Thierry Ollivier.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°472 du 3 février 2017, avec le titre suivant : François Morellet en famille