Près de 170 chefs-d’œuvre de la peinture française des XVIIe et XVIIIe siècles provenant des collections allemandes sont réunis au Grand Palais. Un parcours éblouissant.
PARIS - Offrir un panorama de la peinture française des XVIIe et XVIIIe siècles à travers les plus belles pièces des collections publiques d’Allemagne : telle est l’ambition titanesque de l’exposition organisée par Pierre Rosenberg (lire l’encadré), en collaboration avec le jeune historien de l’art David Mandrella, au Grand Palais, à Paris. En 2001 et 2002, les deux complices ont parcouru l’Allemagne à la recherche du trésor oublié dans les réserves ou du tableau mal attribué, un périple les conduisant de Berlin à Cologne, en passant par Düsseldorf, Hambourg, Hanovre, Leipzig ou Sarrebrück. Il ne s’agissait pas seulement de réunir les plus « belles » toiles mais aussi de dresser un inventaire, le plus exhaustif possible, des tableaux français détenus dans les musées comme dans les châteaux d’outre-Rhin. Au final, 168 peintures ont été sélectionnées pour rejoindre les cimaises du Grand Palais qui alignent les chefs-d’œuvre en un parcours aussi éblouissant qu’étourdissant. La liste se révèle en effet impressionnante : Vouet, La Tour, le Lorrain, Poussin, Watteau, Boucher, Nattier, Oudry, Fragonard, Greuze, David… Parmi les grands musées prêteurs, citons la Gemäldegalerie de Berlin, les Alte et Neue Pinakothek de Munich, la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe ou la Gemäldegalerie Alte Meister de Dresde. L’exposition est organisée par genre (peinture religieuse et mythologique, portrait, paysage, nature morte) comme le veut la tradition française.
La section caravagesque révèle tout l’intérêt de l’Allemagne pour ce courant né à Rome et qui inspira Valentin de Boulogne – dont sont présentés les célèbres Tricheurs de Dresde –, Nicolas Tournier, Nicolas Régnier ou encore Simon Vouet, et sa Mort de Lucrèce, issue de la Bildegalerie à Potsdam. À ces tableaux, entrés en Allemagne dès le XVIIIe siècle, succèdent les peintres d’origine lorraine, parmi lesquels Jacques Bellange, et, bien sûr, Georges de La Tour, redécouvert par l’historien de l’art allemand Hermann Voss. L’Allemagne conserve pourtant peu d’œuvres de l’artiste – Les Mangeurs de pois, Saint-Sébastien soigné par Irène, provenant de Berlin, ou La Fillette au brasier, issue d’une collection particulière, sont ici réunis. Quant à Claude Lorrain, célèbre dès les années 1630 dans toute l’Europe pour ses paysages lumineux, et très apprécié des musées allemands, il bénéficie d’une section à lui seul. De même en est-il pour Nicolas Poussin ; son tableau l’Inspiration du poète, appartenant aujourd’hui au Musée de Hanovre, fut acquis par Johann Friedrich de Hanovre en 1679.
Succès pour Vernet
Parmi les artistes particulièrement bien représentés, figurent Watteau, « le plus grand dessinateur français de tous les temps » selon Pierre Rosenberg, ou François Boucher. Son Odalisque blonde côtoie la Jeune fille faisant danser son chien sur son lit, peinte par Fragonard, tandis que ses paysages sont confrontés à ceux de Joseph Vernet. Ce dernier connut dès le XVIIIe siècle un grand succès auprès des collectionneurs germaniques, particulièrement à Munich. Hubert Robert et Fragonard furent, en revanche, plus modestement appréciés. Les toiles de Jean-Siméon Chardin et de Jean-Baptiste Oudry, ou les délicats Orangers d’Henri Delaporte offrent, pour leur part, un bel aperçu de la nature morte. En revanche, malgré quelques Jean-Marc Nattier et Jean-Baptiste Greuze, l’Allemagne se révèle assez pauvre en tableaux de genre français, une notion trop attachée à la peinture flamande et hollandaise. Si l’exposition, comme le reconnaît aisément Pierre Rosenberg, présente « d’importantes lacunes », gageons qu’elle incitera historiens et conservateurs à poursuivre les recherches, et à en lancer d’autres comme l’étude des peintres français ayant fait carrière en Allemagne (volontairement exclus de l’exposition), tels Jean Pesne, Charles Amédée Vanloo, Pierre Goudreaux ou Nicolas Guibal...
Jusqu’au 31 juillet, Galeries nationales du Grand Palais, 75008 Paris, tél. 01 44 13 17 17, www.rmn.fr/musees-allemands, tlj sauf mardi, 10h-20h, le mercredi jusqu’à 22h. Catalogue, éd. RMN, 496 p., 59 euros, ISBN 2-7118-4914-7.
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François, Georges et les autres
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°215 du 13 mai 2005, avec le titre suivant : François, Georges et les autres