Installée dans la villa Les Rhumbs, la maison d’enfance du couturier à Granville, le Musée Christian Dior réunit les artistes qui inspirèrent ou qui évoluèrent dans l’entourage du maître. Visite de l’exposition en présence de la commissaire…
Lina Mistretta : Pourquoi ce titre d’exposition, « Dior, le bal des artistes » ?
Florence Müller : Il fait allusion à une collection présentée à l’orangerie du château de Versailles lors du 60e anniversaire de la maison Dior. Ce défilé, intitulé « Le bal des artistes », présentait la collection haute couture de l’hiver 2007-2008. Chaque robe était baptisée du nom du mannequin qui la portait suivi de celui de l’artiste qui l’avait inspirée : Goya, Boucher, Matisse, Picasso... Cet événement, exceptionnel dans sa mise en scène, son décor et le style de ses créations, s’est terminé par une fête somptueuse dans les jardins, décorés dans un style arabo-andalou et animés par des danseurs de flamenco.
L.M. : Comment s’articule l’exposition du Musée Christian Dior de Granville ?
F.M. : Elle se déroule selon un axe suggéré par la vie de Dior. On évoque tout d’abord sa jeunesse et son métier de galeriste de 1928 à 1934. Grâce aux prêts d’institutions, de collectionneurs privés et de galeries, nous avons pu rassembler des œuvres exposées dans les deux galeries cogérées par Christian Dior, dont celles de Christian Bérard, Max Jacob, Cocteau, Lurçat ou Derain et un bel ensemble de tableaux de l’exposition qui révéla Leonor Fini en 1932. Les trois mouvements particulièrement représentés par ces galeries, le cubisme, le surréalisme et le néo-humanisme, sont évoqués par des documents et des photos de Man Ray. Les liens entre l’art et la mode des années 1920 et 1930 sont illustrés par des créations de Poiret, Lanvin, Schiaparelli ou Bakst, qui ont fortement influencé le travail de Dior. Une série de croquis évoque son métier de dessinateur de mode, qu’il exerce en 1935 dans un contexte de crise économique. On peut voir ensuite comment le goût et la connaissance de l’art donnent au couturier une dynamique originale par son approche de dessinateur, mais surtout d’architecte et de sculpteur de la matière textile. Des modèles postérieurs à la période Dior rappellent la cohérence des sources d’inspiration et la fidélité à l’histoire de l’art et à des artistes comme Picasso ou Cézanne. La dernière partie est consacrée aux collaborateurs et aux amis, notamment au musicien Henri Sauguet qui dédie une partition à Miss Dior parmi des robes baptisées de noms « musicaux ».
L.M. : En quoi la passion de Dior pour l’art a-t-elle un impact sur son travail ?
F.M. : Christian Dior disait que pour bien créer, un couturier doit compulser de nombreux livres d’art, les refermer puis les oublier pour pouvoir commencer à dessiner. Pendant les dix années de son activité, il continuait, malgré un emploi du temps chargé, de visiter musées et expositions.
L.M. : Christian Dior se passionne pour les avant-gardes, invente le « New Look » et décore pourtant ses intérieurs du style néoclassique. Comment expliquer ce paradoxe ?
F.M. : Il se voit comme un « révolutionnaire rétrograde ». Cela semble paradoxal, mais cette approche s’inscrit en réaction contre le modernisme à tous crins de sa jeunesse. Dès les années 1920, il collectionne des objets 1900 à contre-courant. Le style néo-XVIIIe qu’il utilise en décoration lui rappelle avec nostalgie le décor familial de son enfance.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Florence Müller, commissaire de l’exposition « Dior, le bal des artistes »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°638 du 1 septembre 2011, avec le titre suivant : Florence Müller, commissaire de l’exposition « Dior, le bal des artistes »