À fleur de peau

Particulièrement attentive à l’espace dans lequel elle s’inscrit, l’artiste cherche à favoriser des échos entre les œuvres et à créer un véritable environnement, visuel, sonore et sensoriel. Elle a ainsi pensé la présentation comme une déambulation, « un cheminement progressif de la lumière du jour vers une pénombre habitée ». Habitée, non pas d’êtres humains, mais d’animaux « mal aimés », ici principalement des crocodiles et des alligators. Si les deux premiers projets présentés ne sont pas dénués d’intérêt, le cœur de l’exposition se déploie dans une quasi-obscurité : sur une cimaise oblique structurant l’espace est projeté Respiro, une vidéo composée des plans rapprochés de la peau d’un crocodile.

Après un certain temps d’observation, le visiteur réalise que cette matière mouvante, à la lisière de l’abstraction, est en réalité un reptile en train de respirer. C’est le compositeur Voiski, avec qui l’artiste travaille régulièrement, qui a réalisé la bande sonore – des nappes électroniques enveloppantes et un travail rythmique accentuant les pulsations et la respiration de l’animal. En face, se trouve Passagers, une installation où des jeux de reflets viennent encore troubler la perception : des photographies de différents animaux imprimées sur tissu et présentées dans des cadres métalliques. Au fond, dans une petite salle, l’ambiance immersive, entre fascination et répulsion, continue d’envoûter : une nuée d’alligators dans un marécage s’empare de l’écran. Filmés la nuit avec une lampe torche, les animaux sont à peine perceptibles si ce n’est par quelques reflets et, surtout, leurs yeux scintillants, presque menaçants, tournés vers le visiteur.