Au XXe siècle, la représentation de la figure humaine s’est libérée des conventions picturales pour s’intéresser davantage à la subjectivité afin de saisir le fonctionnement de la pensée humaine face aux bouleversements contemporains : guerres, Shoah, société au rythme effréné, individualisme ont créé une nouvelle situation pour l’individu, qui semble parfois évoluer à contre-courant, étranger au monde qui l’entoure.
Comment s’exprime cette étrangeté ? Qu’est-ce qui anime l’individu ? Quels sont ses fantasmes ? Qu’est ce qui se cache derrière l’esprit et dans l’âme humaine ? Quatre-vingt-dix-sept artistes, et non des moindres, réunis autour de cent cinquante œuvres dans les salles de la Vieille Charité et dans la Chapelle explorent ces questions plus que jamais actuelles. Le parcours de l’exposition s’élabore en trois séquences – pas toujours clairement identifiables –, qui vont des visages dans la foule jusqu’au fonctionnement mental de l’individu : dans les « Visages de la société », Richard Gessner donne le ton avec ses personnages figés qui se croisent sans communiquer, tandis que la Femme de Venise de Giacometti marche seule vers un destin inexorable. Les portraits sériels d’icônes de Warhol engendrent la dissolution de l’individu dans la masse, tout comme l’effacement est au centre de l’œuvre de Djamel Tatah. Dans « Visages de l’intimité », on n’est plus dans l’altérité, mais dans le regard que l’on porte à soi-même.
Celui que Bacon scrute dans ses visages torturés laisse deviner les conflits, les démons qui l’agitent. A contrario, ceux de Giacometti restent insondables et flottent dans des espaces indéterminés. Plus léger, enfin, le regard de Bonnard reflète à la fois sagesse et interrogation. Dans le troisième et dernier volet, De Chirico ouvre la voie des « Visages de l’esprit » par ses paysages mentaux traversés par des mannequins sans visages et la Tête de femme souriante de Picasso, réalisée pendant les années d’occupation, traduit un mélange d’ironie et d’anxiété. Quant au portrait noir d’Antonio Saura, il n’est qu’enchevêtrements douloureux. Ce fil rouge de l’étrangeté, sombre à souhait, s’estompe auprès des sculptures présentées sous la rotonde de la chapelle. Grâce à une mise en scène dynamique, hormis le buste cauchemardesque de Germaine Richier, L’Oiseau-Tête de Brauner semble à peine menaçant et l’humour d’Emmental Head de Gilles Barbier peut opérer.
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Figures de l’art
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°667 du 1 avril 2014, avec le titre suivant : Figures de l’art