Dans un numéro de Verve de 1932, Picasso à Tériade : « Au fond, il n’y a que l’amour ». L’amour et ses furieuses étreintes, l’amour et ses inextricables enlacements, l’amour et ses baisers monumentaux dont les dernières images du peintre sont un ultime hommage aux plaisirs charnels de la vie. « L’art n’est jamais chaste », se plaisait à dire Picasso. Chez lui, il est même l’expression d’une érotisation du monde, comme en témoigne la sensualité à fleur de peau de chacun de ses tableaux.
Un art sexué
Automne 1969, Pablo Picasso est à Mougins. Le peintre est alors âgé de quatre-vingt-huit ans, il s’abandonne encore et toujours au plaisir voluptueux de la peinture. Dans un élan proprement existentiel, il multiplie les tableaux sur les thèmes du baiser, de l’étreinte et du nu couché.
Les figures nues envahissent la surface de ses toiles dans des corps à corps raccourcis et exaltés et des gros plans cinématographiques qui les excèdent. Tout s’y bouscule et tout s’y confond dans une sorte d’urgence, voire de panique, dont la peinture sort une fois de plus victorieuse.
Très tôt, l’artiste s’est saisi des figures du nu féminin et du couple pour en faire le vecteur prospectif de sa démarche. Des nombreuses études dessinées de Nu debout (1906), qui accompagnent Les Demoiselles d’Avignon, à celles exécutées pour Les Femmes d’Alger d’après Delacroix (1954), cette obsession du nu exprime chez lui le désir de traduire la réalité physique et charnelle du corps. D’en restituer comme une proximité vécue.
Peindre : un acte d’amour
« Le corps de la femme est l’obstacle sur lequel [Picasso] projette son désir d’homme et son élan créateur », note Marie-Laure Bernadac, spécialiste de l’artiste, soulignant par là combien il est
impossible de séparer l’un de l’autre. Dans la forme comme dans l’usage qu’il fait des matériaux, quelque chose d’une jouissance est à l’œuvre chez Picasso qui procède d’une telle projection. D’où ce sentiment de jubilation que transmettent ses peintures et qu’illustre le jeu de ses arabesques, de ses coulures, voire de ses giclées. Comme il en est, dans le dessin, de la lascivité de son trait.
Rencontrée durant l’été 1904, Fernande fut le premier grand amour de Picasso. Si elle venait du même milieu bohème que les modèles avec lesquels il avait eu des relations lors de son premier séjour parisien, elle avait bien plus d’allure et de classe. Intitulée Les Amants, le dessin que le jeune artiste croque au mois d’août de leur couple enlacé est emblématique de cette relation consubstantielle chez Picasso entre acte d’amour et acte de création.
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Fernande, Éva, Olga, Marie-Thérèse, Dora... Chez Picasso, création et vie amoureuse ne font qu’un
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°583 du 1 septembre 2006, avec le titre suivant : Fernande, Éva, Olga, Marie-Thérèse, Dora... Chez Picasso, création et vie amoureuse ne font qu’un