À Bruxelles, la Maison d’Érasme a pris la bonne habitude d’accueillir chaque année une exposition d’art contemporain.
Le millésime 2016 revient à Philippe Favier, qui investit les lieux avec deux séries d’œuvres graphiques. Toutes deux réunies sous le titre du « Paradoxe du bouffon », elles se réfèrent à L’Éloge de la folie, dans laquelle Érasme commentait l’étonnante liberté d’expression dont jouissaient alors les fous du roi. Un privilège que Philippe Favier s’approprie ici pour mieux critiquer la vanité de notre monde. Le corps de logis du XVe siècle accueille L’Antiphonaire de Sottet, un livre ancien de chants liturgiques sur lequel l’artiste est intervenu à l’encre de Chine et à l’aquarelle. Ses pages sont disposées devant les fenêtres. La lumière traverse les feuilles, comme elle le ferait pour des vitraux, ménageant de chatoyants effets colorés qui, ajoutés à l’odeur de cire omniprésente, confèrent à la salle une dimension à la fois studieuse et mystique de scriptorium. En s’approchant des pages enluminées, on redescend subitement sur terre, en découvrant les danses macabres de squelettes et de rats qui colonisent les espaces libres entre les portées. Cet usage facétieux du motif décoratif, dissimulant sous des aspects gracieux une réalité grinçante, s’applique aussi à la seconde série d’œuvres exposée à l’étage. Composée en 2015, L’Orlando Furioso détourne, cette fois-ci, des portraits gravés d’hommes illustres. Affublés d’un nez rouge, ils ont perdu de leur grandeur. Dans l’univers de Philippe Favier, le bouffon n’est pas toujours celui que l’on croit.
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Favier, le jas du bouffon
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Abonnez-vous dès 1 €Maison d’Érasme, rue du Chapitre, 31, Bruxelles (Belgique), www.eramushouse.museum
Légende Photo :
Philippe Favier, Orlando Furioso, 2013-2014, noir poudré et acrylique sur gravure d'inventaire du Château de Versailles. © Maison d'Erasme, Bruxelles
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°693 du 1 septembre 2016, avec le titre suivant : Favier, le jas du bouffon