Sculpture

Fausto Melotti sur le fil

Les épures sculpturales de l’artiste italien sont présentées au Grand-Hornu.

Par Alain Cueff · Le Journal des Arts

Le 30 avril 2004 - 690 mots

HORNU - De nombreux artistes occupent dans la chronique canonique du XXe siècle une place marginale qui semble devoir les condamner tôt ou tard à un oubli auquel ni les institutions ni le marché ne tentent de les arracher. Parmi eux pourtant, quelques-uns échappent à cette fatalité et, s’il est peu probable qu’ils rejoignent jamais le panthéon, ils gardent une visibilité qui, avec le temps, devient de plus en plus intrigante.

Né en 1901, mort en 1986, Fausto Melotti est de ceux-là : condamné à une très discrète traversée du siècle, on revoit périodiquement ses œuvres, entre autres à l’exposition « Qu’est-ce que la sculpture moderne ? » organisée à Beaubourg l’année de sa mort, au Musée Picasso d’Antibes il y a deux ans, au Grand-Hornu aujourd’hui. Par sa personnalité comme par ses œuvres, il fait finalement figure d’antihéros, indifférent aux stratégies aussi bien qu’à un certain dogme de la nouveauté qui caractérise les avant-gardes, en Italie comme ailleurs. Proche durant les années 1920 de Fortunato Depero (tous deux étaient originaires de Rovereto, près de Trente), auteur avec Giacomo Balla du pamphlet Reconstruction futuriste de l’univers, le jeune Melotti a été un témoin privilégié des succès comme des excès des acteurs du futurisme qui semblaient tout attendre d’un slogan promis à un avenir sinistre : « Du passé faisons table rase. »

Musique et art abstrait
Ingénieur électrotechnicien de formation, Melotti a plus de passion pour la musique et les mathématiques que pour les postures dites radicales des avant-gardistes. Au tout début des années 1930, il entre à l’académie des beaux-arts de Milan où il rencontre Lucio Fontana avec lequel il conservera des relations amicales jusqu’à la disparition de ce dernier en 1968. Le parallèle entre la musique et l’art abstrait, qui joua un rôle si important dans l’élaboration de nouveaux langages plastiques, reste l’une des pierres de touche de la réflexion de Melotti. Le dialogue constant qu’il entretient avec Carlo Belli, l’un des principaux théoriciens italiens de l’abstraction, va l’encourager à tenter la convergence de l’idéal contrapuntique et de l’idéal grec dans des sculptures qui sont en même temps des modèles architecturaux. Sa première exposition à la célèbre galerie milanaise Il Millione en 1935, tandis qu’il a rejoint le mouvement Abstraction-Création l’année précédente, suscite l’incompréhension. L’irrésistible triomphe du fascisme et la Seconde Guerre mondiale vont sonner le glas de ses aspirations artistiques, le pousser à une reconversion dans la céramique, et le plonger dans une longue dépression qu’un recueil de poésies, Le Triste Minotaure, tente de conjurer. C’est seulement en 1963 que l’artiste refait surface et expose le fruit des recherches qu’il n’a cessé de mener durant ces années tourmentées.
Nul besoin alors d’opérer une volte-face dramatique qui condamnerait sans retour les principes de l’abstraction : les Teatrini [Petits théâtres], les bas-reliefs, les sculptures métalliques sont le reflet d’une lente synthèse qui intègre désormais des éléments figuratifs. La sensation à la fois tactile et théâtrale de l’espace qui caractérise l’art de Melotti se donne libre cours dans une dimension mythologique. Il ne s’agit pas pour lui de témoigner de la figure contemporaine du monde mais au contraire de retranscrire l’expérience du visible sous les angles d’un temps immémorial. La scène, pourrait-on dire, demeure toujours identique, provisoire mais teintée d’absolu, à la fois fragile et éternelle, improbable mais fatale. Les fils de laiton et de bronze définissent des volumes verticaux aux proportions déconcertantes. Et, sans être jamais monumentales, ses sculptures sont habitées par une ambition à l’infini d’autant plus convaincante qu’elles annexent le vide avec brio. Certains éléments en tissu ou en nylon vibrent au plus léger courant d’air, accroissant encore l’impression d’un monde éphémère. Construits comme des maisons de poupées, les Teatrini en terre cuite sont, à l’instar de certains dessins, un peu trop bavards, comme si l’assurance de la matière ruinait une poétique nécessairement allusive. On retrouve dans les bas-reliefs en plâtre les traces légères et énigmatiques d’un univers qui se fait la proie heureuse du principe d’incertitude.

Fausto Melotti

Jusqu’au 20 juin, Musée des arts contemporains du Grand-Hornu, 82 rue Sainte Louise, Hornu, Belgique, tél. 32 65 65 21 21, tlj sauf le lundi 10h-18h. Catalogue trilingue, 20 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°192 du 30 avril 2004, avec le titre suivant : Fausto Melotti sur le fil

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