Quelques pièces exceptionnelles des XVe et XVIe siècles
de la collection des Habsbourg sont exposées aux Gobelins à Paris.
PARIS - Une fois n’est pas coutume, la Galerie des Gobelins, à Paris, accueille pendant quelques mois des œuvres étrangères aux collections nationales. Une vingtaine de tapisseries monumentales des collections royales espagnoles ont ainsi fait l’objet d’un prêt exceptionnel, après un passage par Gand (Belgique). L’événement est lié à la volonté de l’Espagne, qui assure la présidence tournante de l’Union européenne, de faire la promotion de son patrimoine culturel.
Toutes circonstances politiques mises à part, ces tapisseries valent le détour car, étant conservées dans les palais royaux d’Espagne – où elles sont encore utilisées lors de cérémonies de prestige –, le visiteur a très rarement l’occasion de les voir. Pour y remédier, les autorités espagnoles réfléchissent aujourd’hui à la création d’un musée dédié aux collections royales.
La dynastie des Habsbourg a compté dans ses rangs de véritables amateurs de tapisserie qui ont passé commande, aux XVe et XVIe siècles, aux meilleurs lissiers flamands. Cet art d’un très grand luxe a séduit plusieurs générations de monarques, de Marguerite d’Autriche (1480-1530), dont les traits sont connus par un remarquable portrait attribué à Bernard Van Orley (prêté par le monastère royal de Brou, Musée de Bourg-en-Bresse), à Philippe II (1527-1598). Le père de ce dernier, Charles Quint (1500-1558), avait quant à lui reçu en héritage les tapisseries des ducs de Bourgogne. Cet art semblait alors satisfaire un goût affirmé pour les fastes royaux mais aussi un mode de vie itinérant.
La collection ambulante de Charles Quint aurait ainsi compté pas moins de quatre-vingt-seize tapisseries. En témoigne ici La Fortune, remarquable par la densité de sa composition, pièce issue de la tenture des « Honneurs » due à Pieter Van Aelst qui comptait neuf tapisseries, commandées vers 1523 par l’empereur à un atelier bruxellois. Les liens privilégiés entretenus par l’Espagne avec les Flandres, liens économiques, commerciaux, politiques mais aussi matrimoniaux, ont ainsi concouru à la multiplicité de ces commandes.
Propagande
L’exposition réunit quelques tapisseries de très grande qualité. La Charrette de foin constitue un unicum, en ce sens qu’elle est le seul exemple de tapisserie inspirée par un tableau de Jérôme Bosch. L’Orgueil, dont les cartons sont dus à Pieter Coecke Van Aelst, et qui est issue de la série consacrée aux sept pêchés capitaux, a appartenu à la collection de Marie de Hongrie (1505-1558), régente des Pays-Bas de 1531 à 1555. Cette tenture ornait son château de Binche, dans le Hainaut, aujourd’hui ruiné.
Construit par le sculpteur Jacques Du Brœucq, l’édifice était un conservatoire d’œuvres d’art où les tapisseries voisinaient notamment avec des peintures de Titien ou de Van der Weyden. À sa mort, 244 tapisseries auraient été recensées dans les collections de Marie de Hongrie.
Transmis de génération en génération, ce patrimoine a échu à la fin du XVIe siècle à Philippe II, le fils de Charles Quint, qui se sédentarise à Madrid. Sur ses 701 tapisseries, 183 sont encore conservées dans le patrimoine national espagnol. Philippe II a également été commanditaire, comme l’illustre l’une des pièces les plus impressionnantes de cette exposition, Saint Michel terrassant le dragon. Appartenant à une série consacrée à l’Apocalypse, la tapisserie, qui mesure plus de 5 mètres par 8, a été tissée à Bruxelles vers 1553-1555.
Elle est manifestement inspirée de la gravure éponyme de Dürer – lequel était le pensionnaire des Habsbourg, –, mais ne manque pas de sens politique, la propagande catholique n’hésitant pas, alors, à comparer l’hérésie protestante à un monstre.
TRÉSORS DE LA COURONNE D’ESPAGNE. UN ÂGE D’OR DE LA TAPISSERIE FLAMANDE, jusqu’au 4 juillet, Galerie des Gobelins, 75013 Paris, tlj sauf lundi, 11-18h. Catalogue, sous la direction de Fernando Checa, 256 p., 120 ill., 39,95 euros, ISBN 978-90-6153-947-6
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Fastes espagnols
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Abonnez-vous dès 1 €Commissaire : Fernando Checa, professeur à l’université de Madrid, ancien directeur du Musée du Prado
Correspondants français : Arnauld Brejon de Lavergnée, conservateur général, directeur des collections du Mobilier national ; Jean Vittet, inspecteur de la création artistique au Mobilier national
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°324 du 30 avril 2010, avec le titre suivant : Fastes espagnols