« Un Musée pourrait être consacré aux vides en tout genre […]. Les installations devraient vider les salles et non les remplir », suggérait Robert Smithson à la fin des années 1960.
Le temps d’un petit mois seulement, le Centre Pompidou souscrit à la proposition de l’artiste américain et opte pour une radicale arithmétique : une partie de ses espaces d’exposition se voit retranchée – ou remplie ? – jusqu’au zéro. Beaubourg ose une passionnante rétrospective de « vides », récusant toute présence d’objet, laissant l’institution apparemment intacte. Un classique de l’histoire de l’art conceptuel.
Pour tenir la rampe théorique, le collège de commissaires – parmi lesquels l’artiste John Armleder et le jeune curator Mathieu Copeland – a sélectionné de façon drastique ; à la différence des expositions pointant la dématérialisation de l’art, le chiffre de l’œuvre s’en tient cette fois strictement au zéro. Ni documents, ni sons, flux, lumières, menues actions ou petits riens. Infiltrés comme autant d’œuvres dans les collections permanentes, ce sont bien des espaces rigoureusement vides que traverse le spectateur. Rien de moins. Rien de plus. Aux cartels de qualifier les salles nues, d’actualiser les propositions et d’en démontrer la non-équivalence.
Si les neuf expositions inventoriées remettent salutairement en selle et en perspective historique le corpus conceptuel, pas une ne développe une même qualité de vide. À commencer par celui, bien plein et spirituellement chargé, d’Yves Klein, le 28 avril 1958. Dans une galerie Iris Clert désemplie et repeinte de blanc, l’artiste invitait le public à saluer « l’avènement lucide et positif d’un certain règne du sensible ». Loin du vide suspect soumis par l’artiste slovaque Roman Ondak en 2006, insinuant la possible présence d’un dispositif invisible. Loin du
vide révélateur d’espace de Robert Irwin en 1970. Ou loin encore du vide de substitution annoncé par Maria Eichhorn en 2001, alors qu’elle affectait son budget de production à la rénovation même de l’institution qui l’accueillait.
Reste que l’ensemble de ces transactions avec le vide interrogent d’abord le lieu de l’œuvre. Elles ont à faire avec l’autosuffisance du concept, le rejet de la présence auratique de l’œuvre, l’interrogation de la nature même de l’art, de sa dimension sociale ou économique et bien sûr son contexte d’exposition. Une formidable rétrospective sous vide à considérer dans son actualisation.
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Faire le plein de vide
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°611 du 1 mars 2009, avec le titre suivant : Faire le plein de vide