Sigmar Polke ne se lasse jamais. C’est le moins qu’on puisse se dire lorsqu’on traverse le quatrième étage que l’imposante Tate Modern consacre pour une grande part au maître allemand. Il fallait bien cela pour loger les vingt immenses toiles totalement inédites et exclusives que l’artiste a réalisées au cours de ces derniers mois, histoire d’honorer l’institution londonienne comme il se doit pour une première exposition d’envergure. Étonnamment,il n’est pas question de rétrospective puisqu’il ne s’agit ici que de pièces monumentales récentes réalisées pour la plupart pendant ces trois dernières années, même si la Tate Modern contourne l’exercice en consacrant trois imposantes salles aux toiles réalisées par le peintre dans les années 1960, un étage plus bas, dans ses collections permanentes. Sans doute le maître avait-il envie de montrer au public et aux critiques qu’un artiste de soixante-deux ans est toujours aussi vif, dédaigneux d’une entreprise historique qui pourrait l’enterrer du même coup. Et pour sûr, l’homme est prolifique comme l’attestent les quelque soixante peintures et œuvres sur papier récentes et exposées à Londres.
Une grande partie d’entre elles ont une tonalité plutôt western : beaucoup d’armes à feu, de cowboys, des couleurs far-west dans les ocres et sable. Sigmar Polke les a réalisées pour le Texas d’où vient l’exposition. Il s’est plongé, comme à son habitude, dans les journaux locaux et y a puisé des images typiques de la culture texane, pour mieux les triturer, les rhabiller, les critiquer. Actualité oblige, il s’est aussi penché sur la guerre au terrorisme déclenchée par les États-Unis et signe sans sourciller une œuvre intitulée La Chasse aux talibans et Al-Qaida. Le ton est donné, il sera acide, mordant, sans concession même s’il frôle parfois un premier degré sans finesse. Aux Anglais qui l’invitent, il dédie des œuvres où des jeunes gens nus courent dans les champs qu’il explique comme une allusion à la supposée frénésie sexuelle des Britanniques. Un stéréotype de plus qui n’apporte pas grand-chose aux grandes œuvres de Polke, mélanges de tissus colorés et de trames floues, réflexions hybrides sur le statut des images. Mais c’est aussi cela le cœur du travail de Polke depuis quarante ans, le mixage de l’artistique au trivial.
« Sigmar Polke : History of Everything », LONDRES (G.-B.), Tate Britain 4e étage, Millbank, tél. 020 7887 8000, www.tate.org.uk, jusqu’au 4 janvier 2004.
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Faire feu de tout bois
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°553 du 1 décembre 2003, avec le titre suivant : Faire feu de tout bois