Face-à-face de maîtres

Quel dialogue s’instaure cependant entre le père de la sculpture moderne et un artiste passé par les rangs de Dada, auteur d’une œuvre abstraite, adepte selon ses propres mots d’un « art concret » ? L’intérêt d’Arp pour Rodin, qui décède alors qu’Arp n’a que 30 ans et qu’il ne l’a vraisemblablement jamais rencontré, est principalement documenté par une Sculpture automatique qu’il lui dédie en 1938, influencée par le surréalisme, et un poème sur le sculpteur daté de 1952. Plus que d’hommages, il est donc ici question d’affinités dans ce face-à-face d’œuvres déployé avec grâce dans les salles lumineuses de la fondation bâloise. Arp et Rodin partageaient en effet une passion pour la représentation de la figure humaine, et notamment du corps féminin ; une même interprétation de la nature dont la contemplation est érigée en principe fondateur de la pratique artistique ; un intérêt pour le mouvement et la métamorphose ; et, côté atelier, une approche similaire du travail avec le matériau plâtre, basée sur le hasard, qui leur permettait de fragmenter et de combiner librement des formes et des figures. Plus que jamais, l’art de Rodin apparaît comme précurseur, ouvrant la voie aux expérimentations techniques et stylistiques chez les artistes du XXe siècle – dont Arp. Un seul bémol : la mise en écho de l’œuvre graphique des deux sculpteurs, où la parenté très ténue affaiblit du même coup la démonstration.