Le Musée Fabre, à Montpellier, rend hommage à son fondateur, peintre élève de David et admirateur de Poussin
MONTPELLIER - Huit mois après sa réouverture, le Musée Fabre à Montpellier (Hérault) rend hommage à son fondateur, le peintre et collectionneur montpelliérain François Xavier Fabre (1766-1837). L’événement est important pour la connaissance de la période, car l’œuvre de Fabre n’a pas encore bénéficié de la même reconnaissance que celle de ces contemporains, Anne-Louis Girodet, Antoine-Jean Gros ou Jean-Léon Gérôme. Oblitérant quelque peu la figure de l’artiste, celle de Fabre collectionneur semble avoir participé de cet oubli. Afin de ne pas perpétuer cette confusion, les commissaires de cette première grande rétrospective, Michel Hilaire et Laure Pellicer, ont volontairement écarté les activités de l’amateur pour mettre en avant les réalisations du peintre. Le musée a réuni plus de deux cents tableaux et dessins, une gageure lorsque l’on sait que les œuvres de Fabre sont très dispersées.
Rien ne laissait pourtant présager d’une fortune critique en demi-teinte pour Fabre. De condition modeste, celui-ci fréquente les « écoles de dessin » publiques de Montpellier, financées par un groupement d’amateurs, la Société des Beaux-Arts. Soutenu par ces membres, Fabre est envoyé en 1783 à Paris dans l’atelier de Jacques Louis David et en devient rapidement l’un des élèves les plus prometteurs. L’apprenti assiste à cette époque à la mise au point et à l’affirmation par David de son style sévère et antiquisant, qui le marquera à jamais. Fabre obtient en 1787 le Grand Prix de Rome avec son Nabuchodonosor faisant tuer les enfants de Sédécias, et gagne l’Italie. Il est à l’Académie française de Rome un élève docile, loin de remettre en cause comme certains de ses compagnons les exigences de l’enseignement académique. Ses progrès sont rapides, ainsi qu’en témoignent son Soldat romain au repos de 1788, à la posture frontale et empreinte de raideur, et son Abel expirant de 1791, tous deux visibles dans l’exposition. En représentant Abel agonisant seul et le corps renversé plutôt que l’instant du coup fatal, Fabre met au point pour cette première œuvre majeure une formule visuelle originale. L’abondante chevelure bouclée d’Abel, maculée du sang s’écoulant de son crâne fracassé, augure par ailleurs de son goût pour les détails précieusement travaillés.
Fascination pour le végétal
Les remous provoqués par la Révolution française ne sont pas favorables à l’artiste. La suite du parcours évoque l’ère nouvelle qui s’ouvre dans la vie de Fabre lorsque l’Académie de Rome ferme ses portes en 1792 et qu’il est contraint de fuir pour Florence. Très vite, il s’y lie d’une amitié profonde avec la comtesse d’Albany et son compagnon le poète Vittorio Alfieri, brillantes personnalités appartenant à un cercle aristocratique et cultivé. À leurs côtés, il pénètre dans cette société fortunée dont il devient le portraitiste attitré. Parmi les nombreux portraits que présente la manifestation, les plus beaux exemples concernent peut-être ceux de ces deux amis, qui démontrent la maestria avec laquelle Fabre a intégré les nuances du portrait psychologique. Il n’a alors pas renoncé aux grandes peintures d’Histoire, ainsi du Retour d’Ulysse de 1799. Toujours proche de David par sa composition en frise et le souci du détail archéologique, l’œuvre se démarque de son influence par une utilisation dramatique du clair-obscur, concentrant l’attention sur le croisement des regards. Les recherches ultérieures de Fabre l’amènent pourtant à favoriser les genres moins nobles du paysage et du portrait. Il crée alors une forme de version toscane des paysages romains de Nicolas Poussin, devenu au fil des ans un modèle primordial. Son sens de l’observation, déjà perceptible dans la perfection des détails, s’y exprime pleinement. Sa fascination pour la représentation du végétal emplit ses toiles d’écorces minutieusement décrites et de frondaisons mousseuses.
Les études de végétaux comptent aussi parmi les plus belles feuilles de la section finale de l’exposition, consacrée aux dessins. Le visiteur y saisit la complexité de sa méthode appliquée aux paysages, un mélange d’observation sur le motif et de recomposition en atelier. Fabre, dans son attachement au paysage, révèle ici toute sa singularité, teintant son classicisme d’une pointe d’idéalisme.
RÉTROSPECTIVE FRANçOIS XAVIER FABRE (1766-1837), PEINTRE ET COLLECTIONNEUR, jusqu’au 24 février, Musée Fabre, 39, bd Bonne-Nouvelle, 34000 Montpellier, tél. 04 67 14 83 00, tlj sauf lundi 10h-18h, mercredi 13h-21h, samedi 11h-18h. Catalogue à paraître aux éditions Somogy.
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Fabre, un observateur idéaliste
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Abonnez-vous dès 1 €FRANÇOIS XAVIER FABRE - Commissaires : Michel Hilaire, conservateur en chef du patrimoine et directeur du Musée Fabre ; Laure Pellicer, professeur émérite d’histoire de l’art moderne à l’université Paul-Valéry-Montpellier-I
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°273 du 18 janvier 2008, avec le titre suivant : Fabre, un observateur idéaliste