Le Musée du Luxembourg expose la majeure partie du legs de Jacques Petithory, grand collectionneur d’art ancien : 170 dessins, 34 peintures – souvent à l’état d’ébauche – et une dizaine d’esquisses sculptées permettent de mieux comprendre le processus créateur des plus grands maîtres, du maniérisme au XIXe siècle.
PARIS - “Tout le monde peut comprendre l’art quand il est signé”, déclarait Jacques Petithory. La gloire de ce collectionneur autodidacte né en 1929, qui se qualifiait de “brocanteur”, était au contraire de découvrir un chef-d’œuvre “tout poussiéreux, abandonné dans l’arrière-boutique d’un brocanteur de banlieue”. Petithory avait ainsi rassemblé près de 1 500 pièces de grande qualité : tableaux, objets d’art, bronzes, terres cuites, et surtout dessins, datant du XVIe au XIXe siècle. À sa mort, en 1992, il a légué au Musée Bonnat de Bayonne une partie de sa collection, que les Parisiens peuvent découvrir cet hiver au Musée du Luxembourg.
L’accrochage évoque un peu celui de l’amateur dans sa maison de Levallois-Perret. Les œuvres, dans leurs cadres anciens, sont disposées relativement serrées, sur des cimaises de couleur rouge vif ou gris soutenu. L’éclairage s’approche de la lumière naturelle. La quasi-absence de panneaux explicatifs, la discrétion des vitrines et le mélange des techniques et des époques rappellent la décoration d’un intérieur privé. Tout comme le collectionneur-dénicheur de chefs-d’œuvre, le visiteur explore un ensemble riche et varié sans être guidé autrement que par son œil.
Un Greuze d’une belle sobriété
Autour du maniérisme italien, du Grand siècle, du XVIIIe siècle français et transalpin, ainsi que des peintres voyageurs du XIXe siècle, Petithory était parvenu à réunir quelques pièces superbes, dont une magistrale série de dessins de Greuze. Les deux grandes compositions du maître sont à l’image de sa production peinte, très démonstrative, comme en témoigne l’annotation au bas de La belle-mère : “Oui, elle lui donne du pain, mais elle lui brise les dents avec le pain qu’elle lui donne”. En revanche, les études de mains et de pieds, la Femme allongée aux bras levés, et surtout l’Académie d’homme appuyé sur un bloc de pierre sont magnifiques d’expressivité et de sobriété. Magnifiques aussi le Saint Paul à la sanguine de Salviati, qui occupe l’espace de la feuille avec autorité, le bronze virtuose d’après Giambologna, la frémissante Sainte Marie-Madeleine par Federico Barocci, la Femme couchée sur le dos de San Giovanni, la puissante huile sur toile de Le Brun – Hercule terrassant Diomède – accompagnée de son dessin préparatoire, les études de Lemoyne, la charmante Tête de femme au pastel par Benedetto Luti, un Watteau d’après Zuccaro, ou encore une sensuelle académie d’homme de Prud’hon…
Au gré de son parcours, le visiteur découvre un amateur exigeant et audacieux à la fois, qui cherchait la pièce rare, tel ce petit satyre en bronze qu’il attribuait à Piranèse, malgré l’incrédulité des conservateurs. Petithory détestait l’or et l’ostentation, le pittoresque aussi. Il préférait saisir l’œuvre au stade d’esquisse dessinée ou modelée, accéder à l’alchimie d’une composition. Une connaissance que le Musée du Luxembourg se propose de faire partager.
LA DONATION JACQUES PETITHORY, UN BROCANTEUR DE GÉNIE, jusqu’au 15 mars, Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard 75006 Paris, tlj sauf lundi 11h-18h, jeudi jusqu’à 20h. Entrée 31 F, TR 21 F. Catalogue édité par la RMN, environ 350 F.
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Exquises esquisses
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°51 du 3 janvier 1998, avec le titre suivant : Exquises esquisses