La joie brille en ses yeux, elle sourit au point de montrer ses dents – « une mignardise que réprouvent également et les artistes et les amateurs et les gens de goût, dont il n’y a point d’exemple chez les anciens », note Barthélemy Mouffle d’Angerville en 1787.
En 1786, Élisabeth Vigée Le Brun, reçue à l’Académie trois ans auparavant et portraitiste de Marie-Antoinette, a osé se représenter portant avec tendresse sa fille de six ans dans les bras. À quelques pas d’elle, dans la petite galerie du Louvre, Nicolas Poussin nous toise quant à lui avec un visage « crispé dans une expression de noblesse et de folie », observe Philippe Sollers. Par ces autoportraits, l’un et l’autre mettent en scène la figure de l’artiste. C’est à ce thème que le Louvre consacre une exposition pour accompagner le cycle d’expositions que le musée consacre en 2019-2020 aux génies de la Renaissance : Vinci, Donatello, Michel-Ange ou Altdorfer. Elle nous entraîne de l’Antiquité et du Moyen Âge, où l’artiste ne se distinguait guère de l’artisan – même si certains apposent leur nom sur leur œuvre comme le potier athénien Nicosthénès – jusqu’à l’émergence des salons au XVIIIe siècle, en passant par les vies d’artistes de la Renaissance et la fondation de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648. Classique, le parcours n’en est pas moins stimulant et contemporain, notamment par l’intérêt qu’il porte aux artistes femmes, comme Marie-Guillemine Benoist qui eut l’audace de présenter le portrait d’une ancienne esclave, noire, au Salon de 1800.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°731 du 1 février 2020, avec le titre suivant : Et l’artiste fut !