Aïe ! On pénètre dans l’antre obscur de la Halle Saint-Pierre où se déploie l’univers sauvage de Stéphane Blanquet.
Des couleurs éclatantes frappent la rétine. La vie serait une fête et l’heure serait aux réjouissances ? Que nenni ! Les fleurs semblent ici celles du mal. Dans les tapisseries aux fibres brillantes, se détachent des organes tentaculaires se déversant de corps qui se disloquent, tandis que des terres cuites surgissent les rêves hallucinés de cet artiste polymorphe : ici des gueules cassées aux allures de masques africains, là des seins, des phallus, des yeux exorbités, des mains griffues, des crocs, des squelettes d’hommes ou de bêtes fantastiques… Toutes ces œuvres racontent des histoires. L’artiste préfère les taire. Elles se déploient à travers ses dessins, lithographies, marionnettes pour ombres chinoises, installations lumineuses ou sculptures de laine. On se promène dans l’exposition comme dans un conte maléfique dont les corps désirants et souffrants nous interpellent. Sortira-t-on indemne ? Si on se risquait à effleurer ces fragments d’êtres, sans doute notre peau serait-elle arrachée comme la leur et notre cœur à sang. Celui de cet artiste se répandra au fil des mois dans tout l’espace de la Halle Saint-Pierre à travers des œuvres organiques et tentaculaires, et jusque dans la librairie où l’on pourra acquérir pour 5 € une excroissance graphique de l’exposition : un hebdomadaire conçu comme une œuvre d’art, La Tranchée Racine. Et, à l’étage, Stéphane Blanquet a carte blanche pour inviter à partir du mois de janvier des artistes dont les univers fécondent le sien.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°737 du 1 octobre 2020, avec le titre suivant : Est-ce que vivre fait mal ?