Les voyages des collections du Musée national d’art moderne, qui se poursuivront jusqu’en décembre 1999, se suivent et ne se ressemblent pas. Cette nouvelle et ample station phocéenne se focalise sur les installations et environnements, des avant-gardes russes à nos jours.
Marseille - Avec son programme “Hors les murs”, à l’étranger et en France, le Musée national d’art moderne fait périodiquement preuve de la richesse de ses collections. Elle n’est jamais démentie, et l’ajout, parfois, de quelques œuvres des musées locaux, comme ici à Marseille, n’y change rien. Cette politique d’expositions, au sens premier des deux termes, pourrait faire l’objet d’une fable qui raillerait le jacobinisme deux fois centenaire dont l’Hexagone ne se départit pas jusque dans la gestion de son patrimoine. Mais la constitution thématique des choix proposés tend à faire oublier ces possibles controverses, et les Musées de Marseille peuvent ainsi déployer en deux lieux distincts installations et environnements, de la maquette du Monument pour la troisième internationale (1919-1920) de Vladimir Tatline à l’Orgone Shed (1992) de Mike Kelley. Des utopies révolutionnaires soviétiques au réalisme cynique américain, les distances sont incalculables et posent naturellement d’insolubles problèmes aux conservateurs, même s’ils prennent acte, par le titre même de l’exposition inspiré de Perec, de la diversité inconciliable des œuvres.
Stratégies militaires
Les “cinquante espèces d’espaces” réunis ont tous un point commun qui n’arrange pas les choses : ils prétendent avec plus ou moins d’assurance à l’autonomie et doivent disposer sans compromis de la réalité des lieux. Toute confrontation trop immédiate, entre un Daniel Buren et un Sol LeWitt, par exemple, est sans doute à exclure, mais l’absence de rapprochements, qui auraient pu conduire à mettre en présence les œuvres d’Erik Samakh et de Thierry De Cordier, constitue aussi un handicap. L’axiome du général Giap, dont Mario Merz – représenté ici par un igloo qui ne rend pas justice à sa démesure si précise – a donné une formidable translation artistique, pose clairement le dilemme : “Si l’ennemi se concentre, il perd du terrain ; s’il se disperse, il perd de la force”. La deuxième solution, favorisée par la configuration du Mac et plus encore par celle, en cellules, de la Vieille Charité, a ici été préférée.
On ne cherchera alors ni continuité plastique ni dialectique historique dans cette présentation. Et malgré la présence d’installations de tout premier plan (de Marcel Broodthaers, de Bruce Nauman ou de Louise Bourgeois), l’exposition n’emporte pas la conviction. Autrement dit, tandis qu’on pouvait espérer qu’elle discuterait ou affirmerait l’existence d’un genre ou d’une catégorie majeure dans l’art contemporain, elle se contente de donner les échantillons plus ou moins nécessaires de la permissivité qui, selon certains, le caractériserait. Question de cadre autant que d’éclairage, l’exposition ne tranche pas le nœud réputé gordien du post-modernisme. L’installation a tendance à apparaître pour ce qu’elle n’est certainement pas : un compromis indulgent qui tenterait malhabilement de se substituer aux anciennes alternatives entre peinture et sculpture, entre image et expérience.
Jusqu’au 30 mai, MAC - Galeries contemporaines, 69 av. d’Haïfa, tél. 04 91 25 01 07 ; Centre de la Vieille Charité, 2 rue de la Charité, Marseille, tél. 04 91 14 58 80, tlj sauf lundi 10h-17h. Catalogue coédité par la RMN, le Centre Georges Pompidou et les Musées de Marseille, 144 p., 190 F. ISBN 2-85850-704-X.
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Espaces dispersés
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°73 du 18 décembre 1998, avec le titre suivant : Espaces dispersés