En 1941, dans son renversant Jardin aux sentiers qui bifurquent, Borgès détaille un labyrinthe d’un genre symbolique.
Un labyrinthe qui croirait à « des séries infinies de temps », à une trame de temps qui « s’approchent, bifurquent, se coupent ou s’ignorent pendant des siècles, embrasse toutes les possibilités ». C’est peut-être de ce labyrinthe-là, celui des « innombrables futurs » que Guillaume Désanges et Hélène Guenin s’approchent en signant une exposition magnétique, toute de convergences et de dissociations. Au programme : confusions, pièges et émerveillements et un coup de patte à la bonne marche linéaire de l’histoire de l’art.
C’est que les huit chapitres placés sous le signe de l’égarement veulent organiser un « régime déviant de l’histoire de l’art, en montrant des formes alternatives ». Souvent savoureuses, avec leur lot de découvertes et de repêchages dans les tiroirs de l’histoire de l’art, puisque, là aussi, les commissaires, un rien coquets, jouent la carte de la déviation. C’est ce qui circule alors entre les conversations graphiques de Joseph Grigely, artiste sourd et américain, et les hallucinantes cartographies neurologiques du prix Nobel de médecine 1906, l’Espagnol Santiago Ramo y Cajal. C’est ce qui se déchiffre encore avec l’entrée en matière architecturale, mixant les alternatives de « villes spatiales » de Yona Friedman et le très extensif et organique projet d’Endless House (1958) de Frederick Kiesler. Moins percutant, l’écho un poil formel entre la très historique Spiral Jetty de Smithson et les diagrammes spiroïdes d’Agnès Denes, entre coquille et possible schéma de la pensée.
Aux salles centrales consacrées à Julio Le Parc reviennent finalement le coup d’éclat du parcours [lire L’œil n° 641]. Les pièces cinétiques tout de battements, ondes et vibrations lumineuses plaident pour une efficacité nostalgique et phénoménologique maximale. Comme si la défocalisation à l’œuvre trouvait là le sujet à sa juste mesure. Le chapitre cinétique dans son ensemble, un poil spectaculaire, se traverse alors à pas et œil jouissif, de l’épileptique Prisonnière (1968) de Clouzot, hypnotisée par Yvaral et Joël Stein, au génial et décidément surexposé Spazio Elastico (1967) de Gianni Colombo, espace sombre quadrillé d’élastiques fluorescents à pénétrer et à activer avec un plaisir régressif. Plaisir interrompu avec une sèche habilité par la séquence conclusive cédée à Art & Language ou Guy de Cointet. Ne reste qu’à rajouter du désordre et reprendre « Erre » à rebours. Après tout, c’est bien ce à quoi engageait le titre palindrome.
Centre Pompidou-Metz, 1, parvis des Droits-de-l’Homme, Metz (57), www.centrepompidou-metz.fr
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Erre humanum est
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°642 du 1 janvier 2012, avec le titre suivant : Erre humanum est