Ernesto Sartori assemble à la galerie Marcelle Alix des objets qui définissent
un territoire.
À la galerie Marcelle Alix, à Paris, Ernesto Sartori convie le regard du spectateur à redéfinir des territoires face à des installations sculpturales qui s’offrent, telles des mises en page.
Votre exposition se compose pour l’essentiel de sculptures faites d’assemblages d’objets. Ces ensembles constituent-ils des œuvres autonomes ?
Ce sont précisément des questions qui restent ouvertes. Il y a quelque temps encore j’étais absolument incapable de définir de façon nette ce qu’étaient ces ensembles. Pour moi un ensemble c’est quelque chose dont je pense que cela va tenir ensemble, mais en même temps je n’ai pas envie d’empêcher une partie de l’ensemble d’exister seule, car je crois que tout a une valeur propre et un potentiel à développer soi-même. C’est comme la question de savoir si une œuvre est finie ou pas. Il s’agit d’une proposition que j’assume complètement, mais rien ne m’empêcherait éventuellement de revenir dessus si j’en ressentais le besoin. J’aime la possibilité pour l’œuvre d’avoir des temporalités différentes.
Considérez-vous que, par exemple, la date de l’exposition constitue un point d’arrêt de la production des œuvres, ou bien ne sont-elles jamais achevées ?
Le point d’arrêt est une chimère que j’essaye d’atteindre aussi grâce au regard des autres. Je pense être capable de m’imposer un point d’arrêt, mais sans exposition, sans la capacité de montrer mon travail, cela reste quelque chose de complètement virtuel. Les gens capables d’avoir une pratique sans faire partie d’un monde ou d’un calendrier de l’art m’intriguent. Ce sont des questions que je me pose. Est-ce que cela apporte un regard différent ?
La forme X est récurrente dans votre travail…
Ça commence à le devenir de façon plutôt consciente, le cercle également. Je ne m’arrête pas à des formules et j’essaye de sortir de cette dualité, mais il se trouve qu’en général ce sont plutôt des X et des cercles qui sont mis en volume, car ce sont des signes parmi les plus simples. La question est comment donner du volume et qu’y-a-t-il derrière le volume ? Je pense qu’il y a quelque chose de l’ordre de la centralité.
Dans ces installations il y a des objets, des images d’objets, des évocations d’objets. Sommes-nous là face à une transposition du quotidien ?
Le quotidien est un des pôles, mais il n’est pas le seul. Cela m’intéresse d’arriver à le déplacer par rapport à un thème qui me préoccupe. Ça peut être quelque chose de relativement formel, en rapport avec une numérologie simple, on voit certains chiffres, il y a vraiment un rapport à l’écriture. Il m’est déjà arrivé d’utiliser certaines lettres qui m’intéressaient, comme le M par exemple. Je n’ai pas forcément pensé à faire une composition, mais il y avait quelque chose de l’ordre de la mise en page. Je pense qu’on peut y voir la vie quotidienne si l’on en a envie, mais aussi quelque chose de plus aventureux ou mystérieux. Il y a par exemple la forme d’un canapé sur une sculpture, il est presque monstrueux.
Vos installations s’inscrivent-elles dans la définition d’un territoire ?
Oui tout à fait, en particulier dans l’installation que j’ai faite au sous-sol de la galerie. Parfois j’utilise d’une manière très personnelle le mot rangement ; il s’agit d’un rangement un peu mental où l’on n’aurait justement pas de limites ni de contraintes et qui permettrait d’envisager le monde comme une sorte de lieu où on peut s’étaler sans fin. En tant qu’artiste on peut développer des espaces comme un être humain pourrait le faire mais ne va pas le faire. La pratique artistique peut donc finalement nous amener à cette utilisation d’un espace où le raisonnement ne fonctionne pas de manière traditionnelle, avec cette pensée d’être toujours dans la réflexion de cet espace, la contrainte. Et cela n’est pas seulement lié à la pratique artistique, mais aussi à plusieurs moments de monstration. On pourrait trouver cela dans des vitrines et pas seulement dans des lieux du monde de l’art. Je pense que ce moment où l’on fait face à des espaces et du vide constitue finalement la situation idéale pour voir quelque chose.
Vous attendez donc une forme d’investissement de la part du spectateur ?
Et de moi-même en tant que spectateur également, car le spectateur est aussi comme une projection de soi-même. Est-ce que je parle à tous les spectateurs ou à cette partie de moi qui existe dans l’autre ?
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Ernesto Sartori : « Faire face à des espaces et du vide permet de voir quelque chose »
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 30 janvier, Galerie Marcelle Alix, 4, rue Jouye-Rouve, 75019 Paris, tél. 09 50 04 16 80, www.marcellealix.com, du mercredi au samedi 14h-19h.
Légende photo
Ernesto Sartori, Pareja (Leona e Roso), 2015. © Photo : Aurélien Mole.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°446 du 27 novembre 2015, avec le titre suivant : Ernesto Sartori : « Faire face à des espaces et du vide permet de voir quelque chose »