La Cité de la musique à Paris se met au rythme brésilien pour retracer l’histoire de sa musique populaire.
PARIS - « Anthropophage », c’est ainsi que le poète Oswald de Andrade qualifiait la musique brésilienne. Née du métissage des cultures indiennes, coloniales et africaines, celle-ci est loin de se résumer au carnaval de Rio. En cette Année du Brésil en France, la Cité de la musique, à Paris, offre une radiographie des rythmes du pays à l’aide d’écouteurs programmés, d’écrans vidéo et de photographies. « MPB Musique populaire brésilienne » dresse un panorama chronologique des sons et tendances de l’ancienne colonie portugaise, dont chaque ramification – baião, samba, tropicalisme… – est passée au crible.
Unificatrice, festive ou protestataire, la musique est au fondement de l’identité brésilienne. Sur cette terre de melting-pot, elle constitue un formidable moyen de communication entre peuples étrangers. Au XVIe siècle, les pères jésuites portugais y avaient déjà recours pour répandre le catholicisme. En se mélangeant, le rythme des esclaves africains, les chants et les danses des Indiens du Brésil et la tonalité des colons européens ont été à l’origine de nombreux courants musicaux régionaux, d’où la notion d’anthropophagie, d’ingestion, de digestion – le choro, par exemple, accélère le rythme de la polka et y intègre les percussions africaines. Même les classes dirigeantes finirent par céder au son populaire et à sa dimension festive.
Ce rayonnement a vite atteint l’Europe et les États-Unis. En témoignent le ballet classique du Bœuf sur le toit (1919) de Darius Milhaud, le stéréotype hollywoodien de Carmen Miranda en Technicolor ou la profession de foi du jazz américain pour la bossa nova, cette samba au rythme ralenti qui marque la période faste du pays, sous la présidence de Juscelino Kubitschek (1954-1960). Ce nouveau rythme feutré donne naissance à des chansons devenues légendaires comme The Girl from Ipanema de João Gilberto et Stan Getz, mais la dictature militaire qui s’empare du pays en 1964 met fin à cet âge d’or. Dès 1968, la censure engendre des mouvements contestataires, demandant des élections libres. Gilberto Gil – devenu l’actuel ministre de la Culture – et Caetano Veloso connaissent même l’exil. Là encore, la musique agit en vecteur, elle est une parole qui finit par se libérer en 1984, année de la fin de la dictature. Aujourd’hui, elle conserve les traditions tout en faisant preuve d’une ouverture sur l’extérieur, notamment avec le rap ou la musique électronique.
Grâce à une scénographie claire et rythmée par la couleur, le visiteur n’aura aucun mal à suivre l’évolution des styles et à identifier les figures principales de l’histoire musicale brésilienne. Quelques bémols cependant : les reproductions photographiques – de qualité discutable – de gravures et de tableaux sont présentées dans des similis cadres façon « bande dessinée », clin d’œil raté à leur dimension d’œuvres d’art. Par ailleurs, l’exposition souffre d’un manque de synchronisation patent entre le son des écouteurs sans fil et les images. Mais rares sont les visiteurs à ne pas ressentir de démangeaisons dans les pieds...
Jusqu’au 26 juin, Cité de la musique, 221, av. Jean-Jaurès, 75019 Paris, tél. 01 44 84 44 84, www.cite-musique.fr, tlj sauf lundi 12h-18h, 10h-18h le dimanche. Cat. coéd. Musée/RMN, 208 p., 32 euros, ISBN 2-7118-4902-3.
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Entrez dans la danse !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°215 du 13 mai 2005, avec le titre suivant : Entrez dans la danse !