Le nain de jardin évoque inévitablement le comble du kitsch ornant les pelouses de nos banlieues. Or ce nain est bien moins français qu’on ne le croit, plus ancré dans la tradition culturelle germanique ou même anglaise. Aux nains d’origines souvent priapiques et phalliques de l’Antiquité, à ceux « grotesques » de la Renaissance comme le nain Morgante chevauchant une tortue à l’entrée des jardins de Boboli à Florence, succèdent les nains baroques de Jacques Callot qui envahissent toute l’Europe, surtout les parcs d’Autriche, d’Allemagne et de Bohème mais aussi de Vénétie à la bien nommée Villa dei Nani, ou à la Villa Valmarana près de Vicence. Près de Palerme, la Villa Palagonia, toute incrustée de miroirs à l’intérieur, a son jardin clôturé d’une frise de nains en pierre volcanique... Au XVIIIe siècle, les nains sont cosmopolites. Ils symbolisent les manifestations incontrôlées de l’inconscient, connaissent les secrets de la nature et leurs vertus magiques, servent de bouffons mais surtout aident à créer des mondes utopiques où la monstruosité devient la norme. Après les frères Grimm et Blanche-Neige et les sept nains de Walt Disney, le nain devient mondial, bienveillant, serviable, rustique, et en plastique. Rehaussés du statut d’œuvres d’art, voici les nains de l’an 2000 venir peupler malicieusement les jardins de Bagatelle dans une exposition historique qui se veut aussi « anti-kitsch », rendant à la nanitude sa noblesse et sa force de perturbation, et se présentant comme « une petite histoire du jugement du goût et du sens des proportions » selon son commissaire Laurent Le Bon.
PARIS, Parc de Bagatelle, jusqu’au 24 juillet. À lire : notre hors-série, 20 p., 35 F.
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Elle voyait des nains partout
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°515 du 1 avril 2000, avec le titre suivant : Elle voyait des nains partout