La Hollande rend hommage au peintre autrichien obsédé par le corps, la sexualité et la mort, en privilégiant ses œuvres graphiques.
AMSTERDAM - Clin d’œil à l’influence exercée par Vincent Van Gogh sur Egon Schiele (1890-1918), l’exposition d’Amsterdam – la première monographie consacrée à l’artiste autrichien aux Pays-Bas – s’ouvre sur l’un de ses Tournesols (1909). Une œuvre qui, tout en se référant au maître hollandais, n’en annonce pas moins le style singulier de Schiele. Ce dernier peint alors les tournesols comme il peindra inlassablement les corps décharnés, malades, meurtris. Le caractère longiligne de la fleur, ses formes heurtées, ses lignes noires, ses bruns et ses orange rappellent d’emblée le traitement qu’il inflige aux personnages de ses œuvres graphiques. C’est sur celles-ci, certainement les plus caractéristiques de l’artiste, que l’exposition est axée, à l’exception de quelques peintures de paysages présentées à l’étage inférieur de cette vaste rétrospective répartie sur deux niveaux. Aquarelles, dessins, quelques gouaches, en majorité prêtés par l’Albertina (Vienne) – quatre-vingt-dix œuvres –, offrent un parcours dans la production de Schiele à travers ses thèmes de prédilection, l’enfant, la femme, sa propre image : en un mot, le corps. Le corps dans ce qu’il a de plus cru, dans sa « vérité nue » pour reprendre le titre de l’exposition du Musée Maillol, à Paris, présentée en 2001 ; le corps comme terrain privilégié de ses obsessions que sont la sexualité et la mort (qui le frappe dès son adolescence, avec le décès de son père alors qu’il est âgé de 14 ans).
Proximité des figures
D’abord marqué par la peinture d’Edvard Munch, par celle de son ami Gustav Klimt – fondateur aux côtés de Joseph Maria Olbrich et de Joseph Hoffmann de la Sécession viennoise, en réaction contre l’art officiel –, et par les tentations décoratives du Jugendstil, Egon Schiele va très vite se consacrer à la figure humaine, dans un dessin tourmenté et expressif. La puissance de ses œuvres naît d’abord de la troublante proximité des figures qu’elles mettent en scène. Décentrés, surgis d’un fond vide, à la chair terreuse tirant sur le vert, rehaussés çà et là d’un rouge vif – pour souligner les tétons, les lèvres, les sexes –, ces personnages nous fixent. Certains regards, quand ils ne sont pas absents, tel celui d’un masque, sont effrayants (Portrait de l’éditeur Eduard Kosmack, 1910).
L’exposition met l’accent sur les nus féminins et les portraits, ses modèles les plus prisés étant sa sœur Gertrude et Edith, qu’il épouse en 1915 (Portrait d’Edith Schiele, tête, 1917, un dessin subtil, plus tendre, au regard triste), mais aussi des filles anonymes rencontrées dans la rue. Quelques exemples de nus masculins sont également réunis, dont un saisissant Autoportrait nu, accroupi (1916).
Emporté par la grippe espagnole à l’âge de 28 ans, quelques jours après sa femme, Egon Schiele laisse une œuvre riche de 300 peintures et plus de 2 500 œuvres graphiques, réalisées en l’espace de dix ans seulement. Une carrière fulgurante, magistralement retracée par le Van Gogh Museum. Une œuvre poursuivie dans l’urgence, mais aboutie. Brutale, mais profondément humaine.
Jusqu’au 19 juin, Van Gogh Museum, Paulus Potterstraat 7, Amsterdam, tél. 31 20 570 52 00, www.vangoghmuseum.nl, tlj 10h-18h, vend. jusqu’à 22h. Pour s’y rendre, www.thalys.fr. Catalogue Egon Schiele, l’amour et la mort, éd. Gallimard, 160 p., 35 euros, ISBN 2-07-011807-X.
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Egon Schiele, noirs dessins
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°215 du 13 mai 2005, avec le titre suivant : Egon Schiele, noirs dessins