VIENNE / AUTRICHE
Peintre et dessinateur, théoricien de l’art et graveur, Albrecht Dürer (1471-1528) est sans conteste l’un des plus grands maîtres de l’art allemand. À travers quelque 200 pièces – dessins, gravures, aquarelles et 16 peintures à l’huile –, le Musée de l’Albertina, à Vienne, rend hommage à son œuvre, synthèse unique des traditions germano-flamandes et des théories de la Renaissance italienne.
VIENNE - Récemment rénové (lire le JdA n° 167, 21 mars 2003), le Musée de l’Albertina, à Vienne, renferme l’un des fonds les plus prestigieux au monde d’arts graphiques. De Dürer, l’institution possède la bagatelle de 140 dessins et aquarelles ainsi que la collection complète de ses gravures. Rien d’étonnant, donc, à ce que le maître allemand y fasse l’objet d’une grande rétrospective. Pour rendre un hommage digne de ce nom à l’artiste, les musées du monde entier ont été sollicités. Le Metropolitan Museum de New York, la National Gallery de Londres, la Galerie des Offices à Florence, le Musée du Louvre, le Kupferstichkabinett de Berlin ou encore la National Gallery de Washington comptent parmi les nombreux prêteurs. Cette collaboration internationale permet de comparer pour la première fois études préparatoires et tableaux. Ainsi du Saint Jérôme du Musée national de Lisbonne, du portrait de l’Empereur Maximilien du Kunsthistorisches Museum de Vienne ou de Jésus parmi les docteurs du Musée Thyssen-Bornemisza de Madrid, présentés aux côtés des dessins de l’institution viennoise. À la fois chronologique et thématique, le parcours met en lumière les différentes facettes de l’œuvre de Dürer : l’influence de ses voyages en Italie et aux Pays-Bas, ses études de plantes et d’animaux, les portraits et autoportraits, les cycles religieux et, enfin, ses commandes pour l’empereur Maximilien I. L’Autoportrait à l’âge de 13 ans (1484), premier témoignage artistique de Dürer connu à ce jour, inaugure le parcours.
L’expression suprême de l’art
Ses premières années de formation, Dürer les passe dans l’atelier d’orfèvrerie de son père, à Nuremberg, expérience capitale pour ses futures activités de dessinateur et graveur. De 1486 à 1490, il est l’élève du peintre Michael Wolgemut. Quatre ans plus tard, il entreprend son premier voyage en Italie. À Venise, il se lance avec passion dans l’étude de l’art italien, croquant sur le vif, copiant Mantegna, Carpaccio ou Bellini, assimilant les nouvelles notions de perspective et conceptions du nu. Dès cette époque, il marque un intérêt profond pour la nature, qu’il détaillera par la suite avec une incroyable minutie dans Corneille morte, les Hautes herbes ou le Lièvre. À son retour à Nuremberg, en 1495, il fait la synthèse des théories de la Renaissance italienne et des traditions germano-flamandes à travers une production très variée : des portraits humanistes aux scènes bibliques comme la Madone Haller, réalisée à la façon de Bellini. Cinq ans après l’Autoportrait du Louvre, Dürer reprend l’étude de son propre visage dans l’Autoportrait (1498) conservé au Prado, à Madrid. À partir de 1500, son intérêt pour les fondements rationnels de l’art ne cesse de croître ; les figures d’Adam et Ève (1504) peuvent être considérées à bien des égards comme l’aboutissement de ses recherches sur l’idéal de beauté de l’homme et de la femme. Il reprend la route de Venise en 1505, où il accomplit des chefs-d’œuvre comme Jésus parmi les docteurs (1506) et la délicate Jeune Vénitienne (1505). À partir de 1512, ayant trouvé un nouveau mécène en la personne de Maximilien Ier, il réalise quantité de portraits. À la mort de l’empereur, en 1520, il se rend aux Pays-Bas et exécute à Anvers un Saint Jérôme particulièrement réaliste en prenant pour modèle un homme très âgé. Il s’agit de l’un des derniers grands portraits peints du maître qui, dans la plus pure tradition de la Réforme, écrivait à la fin de sa vie : “Lorsque j’étais jeune, je gravais des œuvres variées et nouvelles ; maintenant je commence à considérer la nature dans sa pureté originelle et à comprendre que l’expression suprême de l’art est la simplicité.”
Jusqu’au 30 novembre, Albertina, 1 Albertinaplatz, Vienne, Autriche, tél. 43 1 534 83 0, tlj 10h-18h et 21h le mercredi, www.albertina.at.
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Dürer, maître universel
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Abonnez-vous dès 1 €Le Musée Condé, à Chantilly (jusqu’au 5 janvier, tél. 03 44 62 62 61) célèbre lui aussi Albrecht Dürer, à travers 34 gravures et 6 dessins originaux provenant de son album de voyage aux Pays-Bas (1520-1521). L’ensemble est accompagné d’œuvres de graveurs tels Martin Schongauer (vers 1450-1491) ou Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538), Hans Sebald Beham (actif entre 1500-1550) et Heinrich Aldgrever (1502-1558), qui s’inspirèrent du maître. Les grandes étapes de la carrière de Dürer sont ici représentées. Parmi ses créations les plus célèbres, le visiteur peut (re)découvrir le Saint Jérôme dans sa cellule, la Mélancolie, La Grande Fortune, L’enlèvement d’Amymone ou encore L’Assemblée des gens de guerre. Le Projet pour le retable Landauer, dessin daté de 1508, est le seul projet du maître exécuté pour une grande œuvre et conservé à ce jour.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°177 du 26 septembre 2003, avec le titre suivant : Dürer, maître universel