Dans le cadre de l’Année du Brésil, le Musée Dapper à Paris célèbre l’héritage africain du Nouveau Monde.
PARIS - Dans le cadre de l’Année du Brésil, qui touche aujourd’hui à sa fin, le Grand Palais avait choisi de mettre en lumière l’art des Amérindiens (lire le JdA no 208, 4 février 2005), tandis que le Musée des beaux-arts de Rouen a célébré le baroque brésilien issu du métissage des cultures (lire le JdA no 214, 29 avril 2005). Le Musée Dapper à Paris, évoque, lui, l’héritage africain de ce vaste pays d’Amérique du Sud. Du XVe au XIXe siècle, de onze à quinze millions de Noirs africains ont
débarqué au Brésil, à bord de bateaux négriers, emportant pour seule fortune leurs coutumes et traditions. Très vite, leurs pratiques religieuses se mêlent les unes aux autres, tout en empruntant au catholicisme portugais et aux croyances amérindiennes autochtones. La démonstration en est faite rue Paul-Valéry, où sont réunis des ouvrages afro-brésiliens confrontés à des pièces d’Afrique subsaharienne (Nigeria, Bénin, Togo, République démocratique du Congo, Congo et Angola). Pour certaines productions, les affinités entre les deux continents sont flagrantes. Ainsi des bâtons de danse oshe Shango yoruba et brésilien, figurant la hache symbolique du dieu du tonnerre, ou encore des insignes brésiliens en fer rappelant ceux des prêtres-devins d’Ifá du Nigeria. Pour se protéger des forces du mal, d’une rive à l’autre de l’Atlantique les officiants invoquent les voduns, entités faisant écho aux forces de la nature, ou encore les bocio, gardiens liés au monde surnaturel, sculptés dans la masse du bois et prolongés d’une pointe de fer de manière à pouvoir être fixés dans la terre dans les sanctuaires installés à l’extérieur des maisons. Les meilleurs témoignages du métissage cultuel des Africains avec les cultures amérindienne et chrétienne du Brésil restent les autels commémoratifs. Amulettes, ex-voto, poteries, vaisselle, bouteilles, coquillages, colliers de perles mais aussi figures catholiques, comme ici celle de saint Benoît, s’y côtoient, sans oublier, parfois, un crâne de bovin (ou de cervidé), comme l’exigent les traditionnels sacrifices d’animaux. Les éléments de l’autel sont méticuleusement sélectionnés par l’officiant, selon la divinité à laquelle il est consacré. Spécialement conçu pour la manifestation, l’autel exposé au Musée Dapper est dédié à Nkosi, divinité afro-brésilienne d’origine kongo, équivalent d’Ògún, dieu de la guerre chez les Yoruba, et de Gu chez les Fon. Cette mixité des croyances est le fil conducteur d’un parcours vertigineux, associant à la fois crucifix de bronze et statuettes nkisi, Buste avec reliquaire de sainte Marie scolastique (XVIIe siècle) et figures anthropomorphes en bois, insignes de guerre et couronne en argent à la mode du baroque brésilien… Mais ne nous y trompons pas, loin de joyeux mélanges arbitraires, chaque œuvre correspond à des croyances ancestrales bien précises, que le catalogue détaille avec soin. « C’est la première fois qu’une exposition d’art, prestigieuse, est organisée en France sur ce thème, précise dans le catalogue la directrice du musée et commissaire de l’exposition, Christiane Falgayrettes-Leveau. Puisse ce regard porté ici sur les racines africaines du Brésil ouvrir une nouvelle voie pour les sociétés métisses, afin qu’elles se sentent plus fortes de leurs identités plurielles. »
Jusqu’au 26 mars 2006, Musée Dapper, 35, rue Paul-Valéry, 75116 Paris, tél. 01 45 00 91 75, www.dapper.com, tlj sauf mardi, 11h-19h. Catalogue, 252 p., 24 euros.
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D’une rive à l’autre de l’Atlantique
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaire : Christiane Falgayrettes-Leveau, directrice du Musée Dapper - Nombre d’œuvres : 120 - Parmi la quinzaine d’établissements prêteurs : Fundação Joaquim Nabuco/Museu do Homem do Nordeste de Recife, Museu Abelardo Rodrigues de Salvador de Bahia, Museu de Arqueologia et Etnologia da Universidade de São Paulo, Museu de Arte Sacra da Universidade Federal de Bahia, Staatliches Museum für Völkerkunde de Munich, Musée d’ethnographie de Genève...
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°222 du 7 octobre 2005, avec le titre suivant : D’une rive à l’autre de l’Atlantique