Rudi Fuchs et Jan Hoet sont les deux commissaires de l’exposition qui réunit au Palazzo Grassi près de deux cent vingt œuvres hollandaises et flamandes. Dans un véritable défi, ils tentent, par artistes interposés, d’opposer les différences entre ces deux communautés qui partagent la même langue.
VENISE - L’exposition "L’art du XXe siècle. La peinture flamande et hollandaise, de Van Gogh, Ensor, Magritte et Mondrian aux contemporains" dépasse en réalité les frontières de notre siècle et fait directement référence aux XVe et XVIe siècles, époque où les Pays-Bas constituaient une entité politico-culturelle unique. L’opposition entre les deux cultures, hollandaise et flamande, se retrouve dans les visions opposées de Rubens et de Rembrandt. Cette différence est réaffirmée aujourd’hui dans la personnalité des deux commissaires de l’exposition, tous deux anciens directeurs de la Documenta : le Belge Jan Hoet, directeur du Musée d’art contemporain de Gand, d’une part, le Hollandais Rudi Fuchs, directeur du Stedelijk Museum d’Amsterdam, d’autre part.
Selon Fuchs, pourtant, l’exposition "n’est pas l’histoire des deux cultures, mais l’art du XXe siècle tel que nous le voyons. Les Français considèrent l’art de ce siècle du point de vue exclusif du Cubisme, conçu comme la ligne directrice du Modernisme, ajoute-t-il. C’est un point de vue affirmé avec trop d’insistance et trop peu de modestie, au détriment d’autres phénomènes aussi importants que le Futurisme italien et russe, l’Expressionnisme allemand, belge et hollandais. Après la Seconde Guerre mondiale, la suprématie de New York a éclipsé celle de Paris. L’exposition tente de compenser ces déséquilibres". Pour Jan Hoet, il s’agit d’un "défi entre Fuchs et moi, entre la culture belge, plus concrète, et la culture hollandaise, plus abstraite. Ce dialogue entre l’abstrait et le concret est fondamental pour toute la culture artistique de ce siècle ; il a ses racines dans la dialectique entre le Nord et le Sud de l’Europe, depuis la Renaissance". Maurizio Calvesi, auteur d’un essai dans le catalogue de l’exposition, insiste sur un point important lorsqu’il affirme que "de même qu’à Urbino le paysage est celui des tableaux de Piero, lorsqu’on voyage en Hollande, on découvre et on comprend la lumière des Hollandais, les blancs de Mondrian et, dans les fêtes d’Anvers, les tableaux de Bosch et de Bruegel".
L’exposition présentera deux cent vingt œuvres de quatre-vingt-neuf artistes, prêtées par vingt musées et dix-huit collections publiques et particulières. Le parcours met constamment en relation les liens entre la tradition et les cultures locales, ainsi que les interconnexions avec les expériences européennes et internationales. La présentation thématique part d’un Portrait de jeune homme de Jan van Scorel opposé à un Paysage de Joachim Patinir, un regard hollandais posé sur un paysage flamand typique. Au centre de l’exposition se trouvent les deux voies ouvertes par Van Gogh (onze toiles) et Ensor (vingt-deux œuvres), à qui sont voués des espaces spécifiques. Se déploient ensuite les multiples thèmes et langages qui ont marqué notre siècle, de l’Art nouveau de Toorop à l’Expressionnisme de Permeke et Van Dongen, de l’Abstraction de Mondrian et Van Doesburg au Surréalisme de Magritte et Delvaux. L’exposition présente enfin les travaux de nombreux artistes de l’après-guerre qui ont évolué à partir des propositions informelles d’Appel, Alechinsky, Constant et Corneille, avant de s’intéresser aux productions des générations plus jeunes et de quadragénaires tels que Jan Vercruysse et Jan Fabre. Les deux commissaires n’ont pas renoncé au cas de Luc Tuymans, qui s’offre la possibilité d’identifier les fondements de sa culture d’origine.
LE XXe SIÈCLE FLAMAND ET HOLLANDAIS, 16 mars-13 juillet, Palazzo Grassi, San Samuele 3231, Venise, tél. 41 523 51 33, tlj 9h-19h.
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Duel Fuchs - Hoet à Venise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°34 du 1 mars 1997, avec le titre suivant : Duel Fuchs - Hoet à Venise