LANDERNEAU
L’on est en droit d’espérer que l’œuvre d’un artiste sorte de l’ordinaire. Un visiteur qui découvrirait le travail de Jean Dubuffet (1901-1985) dans cette exposition ne peut qu’être égaré face à tant de propositions différentes, sans autre règle qu’une forte liberté.
Dubuffet aurait sans doute lu ces lignes avec plaisir tant elles correspondent aux idées qu’il a développées durant quarante ans. En effet, il ne commence sa carrière artistique qu’à la mi-temps de sa vie, renonçant à l’âge de 41 ans à son activité lucrative de négociant en vins. Artiste, il veut immédiatement l’être avec radicalité : « Pas d’art sans ivresse. Mais d’une ivresse folle ! Que la raison bascule ! Délire ! Le plus haut degré du délire ! » L’intérêt particulier de cette exposition est que le visiteur est sûr d’avoir sous les yeux « le meilleur de Dubuffet », en tout cas aux yeux de l’artiste lui-même, puisque toutes les pièces présentées ont été choisies et offertes par Dubuffet au Musée des arts décoratifs de Paris et à la Fondation Dubuffet. C’est une première, jamais les œuvres de ces deux collections n’avaient encore été confrontées. Et cela vaut le coup ! Avec le privilège de découvrir quelques peintures d’avant la « naissance » de l’artiste, comme ces gouaches de 1935-1936 et une marionnette de Lili, épousée en 1937. Se succèdent ensuite des portraits « à ressemblance cuite et confite... » (1945-1947), puis des stigmates vivement déposées sur le papier lors de voyages au Sahara (1947-1949), suivis de délicates surfaces puissamment matiéristes et de volumes improbables (Bouche en coup de sabre, 1959). L’on pénètre plus loin dans l’univers de L’Hourloupe (1962-1974), l’unique période pendant laquelle Dubuffet s’impose un vocabulaire systématique qu’il décline à l’infini, jusqu’à l’insolite Coucou Bazar. Durant ses dernières années (1975-1984), l’artiste abandonne toute écriture méthodique et retrouve une allègre liberté haute en couleurs, parfois joyeuse. Le tout est mis en valeur par une scénographie efficace et discrète, simplement au service des œuvres.
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Dubuffet, le meilleur de lui-même
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°671 du 1 septembre 2014, avec le titre suivant : Dubuffet, le meilleur de lui-même