PARIS
Le Musée Jean-Jacques Henner examine la dimension spirituelle dans l’œuvre du peintre alsacien qui ne s’embarrasse pas des codes iconographiques.
PARIS - Putti aux joues et aux fesses rebondies, Vierge en majesté ou à l’enfant, adoration des rois mages… L’art religieux propre au christianisme ne saurait tomber en panne d’inspiration tant la Bible regorge de sujets divers et variés. L’exposition que consacre le Musée Jean-Jacques Henner à l’œuvre « religieux » du peintre démontre une nouvelle fois que l’esprit d’une époque est loin d’être étranger au choix du sujet ainsi qu’à la manière dont il est traité. Chez Jean-Jacques Henner (1829-1905), ces travaux sont révélateurs d’une évolution de la foi dans la société française au cours du XIXe siècle. Le retour au musée d’Ecce Homo (1849), premier tableau religieux du jeune Henner tout juste restauré, est l’une des raisons qui a poussé la directrice des lieux à se pencher sur cette facette peu explorée de l’œuvre du peintre. Marie-Hélène Lavallée indique s’être inspirée d’un ouvrage italien publié il y a une trentaine d’années de Giovanna de Lorenzi sur l’intérêt d’Henner pour le spiritualisme. D’emblée, les œuvres égrenées au fil des salles inspirent un premier constat : Henner ne s’embarrasse pas des codes iconographiques traditionnels. Loin du traitement homo-érotique de la Renaissance, son saint Sébastien n’offre pas son corps aux flèches, il fait panser ses plaies. Sa Marie-Madeleine n’essuie pas les pieds du Christ avec ses cheveux, elle somnole, apaisée, adossée contre un rocher. Lorsque son saint Jérôme fait pénitence dans le désert, il est allongé nu sur le sol, en lévitation, sans un lion ou un chapeau rouge à l’horizon.
Les ressorts profonds du peintre
L’historien de l’art et philosophe Jean Colrat, citant le peintre Léon Lhermitte dans l’un des trois essais du précieux petit catalogue de l’exposition, s’interroge sur les motivations d’Henner : « À l’exception de la figure du Christ, qui relèverait bien d’une présence « intime » du religieux, […] les sujets religieux chez Henner seraient donc de simples prétextes heureusement accordés à son esthétique profane ». Henner, peintre installé dans la société parisienne, laquelle était friande de ses portraits, n’avait d’académique que les honneurs qu’il a reçus tout au long de sa carrière.
Mis en scène dans un cadre naturel intimiste, ses nus féminins aux lourdes chevelures rousses ont assuré sa renommée. La sélection d’œuvres opérée pour l’exposition révèle un Henner bien différent quoique toujours aussi cohérent dans sa démarche. S’ouvrant sur les œuvres de jeunesse réalisées à Rome, lors de son séjour à la Villa Médicis, le parcours aborde avec force détails (dessins préparatoires, esquisses peintes…) les différents thèmes traités par le peintre. La figure allongée, en souffrance, est une constante – Le Christ mort de Holbein qu’il a admiré à Bâle n’est pas loin – et le rapprochement avec La mère de l’artiste priant devant le corps de sa fille Madeleine (1856) donne aux séries de « Christ au linceul », « Christ mort » et autres figures couchées, une dimension émotionnelle très touchante. Le musée a eu l’heureuse idée de leur associer des œuvres contemporaines (Puvis de Chavannes, Eugène Carrière, Léon Bonnat…) pour mieux souligner l’originalité de la démarche picturale de l’Alsacien. Foin de réalisme et de véracité, ses corps sublimés par une lumière spectrale ne sont pas représentés, ils sont suggérés. Henner fait ainsi écho aux réflexions de son temps sur la religion, dont La Vie de Jésus d’Ernest Renan est symptomatique. L’humanité du divin, et la divinité de l’humain, telle est la spécificité d’une peinture qui n’est plus religieuse mais spirituelle.
Jusqu’au 17 juin, Musée national Jean-Jacques Henner, 43, avenue de Villiers, 75017 Paris, tél. 01 47 63 42 73, www.musee-henner.fr, tlj sauf mardi et jours fériés 11h-18h, le premier jeudi du mois 11h-21h.
Catalogue, Gourcuff Gradenigo, 84 p., ill. couleurs, 20 €
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Du spirituel chez Jean-Jacques Henner
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Abonnez-vous dès 1 €Commissariat : Marie-Hélène Lavallée, conservatrice générale du patrimoine et directrice du musée assistée de Pomme Cramer, pour les recherches scientifiques et documentaires
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°384 du 1 février 2013, avec le titre suivant : Du spirituel chez Jean-Jacques Henner