Les trois promenades des Rencontres d’Arles (Argentine, rock et argentique) forment une édition décousue et sans surprises, où les locomotives de la photographie brillent par leur absence.
Lourd : adj. maladroit, qui manque de finesse, de subtilité. Piquant : adj. qui pique, peut blesser. De deux choses l’une, soit les organisateurs des Rencontres d’Arles ont un sens prononcé du second degré, soit ils ont validé avec empressement le titre de la 41e édition du festival. Car si l’intitulé « Du lourd et du piquant » – comprendre une programmation faite d’invités prestigieux qui éveillent de vives sensations – est digne des meilleures agences de communication, le programme peine, sur le papier du moins, à convaincre.
Car pour ce qui est du « lourd », les Rencontres 2010 n’annoncent en effet aucun équivalent des Delpire, Ronis, Michals ou Goldin de 2009, ni des Avedon, Roversi ou McCullin des éditions précédentes. Les confidentiels Ernst Haas et Hans Peter Feldmann partagent l’affiche avec une série de patronymes jouant davantage dans la catégorie des mi-lourds (Paolo Woods ou Michel Campeau).
À défaut de lourd, on se console par du « pointu » du côté des commissaires d’exposition, avec Clément Chéroux et Emma Lavigne, deux fins spécialistes et conservateurs au Mnam, François Cheval, directeur du musée Niépce, ou William A. Ewing, ancien directeur du musée de l’Élysée (Suisse). Du lourd, non ! Mais du sérieux, espérons-le.
Pour la partie « piquante », la promesse est un peu mieux tenue, même si… Même si l’accrochage autour des portraits de Mick Jagger a un petit goût de déjà-vu, pour ne pas dire de retape. Tant pis, la bonne surprise devrait venir de l’expo sur le punk, à condition qu’elle réussisse à dépasser la simple collection d’images pour dégager une esthétique de la photographie rock. Dans un tout autre genre, l’exposition sur le tir photographique (« Shoot »), attraction de fête foraine très prisée, dit-on, de Sartre, si elle ne transpercera pas le public, devrait largement piquer la curiosité.
Le piquant pourrait donc bien venir des plasticiens, nombreux cette année, invités à exposer ou à orchestrer quelques rassemblements. Ils s’appellent Liam Gillick, Philippe Parreno, Fischli et Weiss, Zhang Dali, Peter Klasen. Réveilleront-ils les papilles d’une édition un peu fade faute, peut-être, d’un commissaire général invité ? L’un d’entre eux épice au moins déjà le menu : León Ferrari, Argentin né en 1920, Lion d’or de la Biennale de Venise en 2007, artiste engagé et anticlérical, souvent condamné par l’Église argentine. Sa rétrospective est montrée pour la première fois en Arles, à l’église Saint-Anne. Rare exposition qui promette à la fois, avant l’ouverture des Rencontres, du lourd et du piquant.
Philippe Gassmann, qui dirige le laboratoire photographique que son grand-père, Pierre Gassmann, avait créé en 1950, le jure : l’exposition arlésienne « Picto 1950-2010 » ne signifie pas la fin d’une aventure, mais au contraire le départ d’une nouvelle étape. « Nous avons traversé une période mouvementée qui a vu les nouvelles techniques exploser et, en même temps, les photographes souffrir avec les difficultés de la presse », rappelle le directeur qui assure aussitôt « [qu’]une entreprise comme Picto a de l’avenir car, au fond, il n’y a jamais eu autant d’images et de collectionneurs qu’aujourd’hui ». Pour fêter ses 60 ans, le laboratoire a donc réuni plus de 140 « complices » et autant de clichés qui, de Cartier-Bresson à Sidibé et de Boubat à Yoshida, font l’histoire de Picto et de la photographie. Naturellement cette promenade photographique met l’accent sur l’histoire des techniques d’impression, de l’agrandisseur noir et blanc aux imprimantes à encres latex, bref, sur le savoir-faire de l’entreprise. « Nous voulons que le visiteur voie la différence entre un tirage sur papier texturé et un dye transfer. » Tout un programme.
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Du « lourd », non ! Du pointu, souhaitons-le
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Abonnez-vous dès 1 €Informations pratiques. Les Rencontres d’Arles, 60 expositions de photographie dans Arles, du 3 juillet au 19 septembre 2010. Tous les jours de 10 h à 19 h. Expositions payantes. Nuit de l’année le 9 juillet, de 20 h à l’aube. www.rencontres-arles.com
De l’air sur la côte. Le musée de la photographie André Villers à Mougins (06), petite ville près d’Antibes où Picasso installa son dernier atelier en 1961, accueille une exposition sur les 10 ans du magazine
De l’air, trimestriel « qui donne à voir » la photographie actuelle. Sont invités jusqu’au 29 août, 28 photographes parmi lesquels Grégoire Korganow, Bernard Plossu ou Patrick Swirc, déjà passés par Arles.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°626 du 1 juillet 2010, avec le titre suivant : Du « lourd », non ! Du pointu, souhaitons-le